Après avoir voté contre une motion conservatrice déclarant que les violences perpétrées par le groupe armé État islamique (EI) constituent un génocide mardi soir à la Chambre des communes, le gouvernement libéral de Justin Trudeau change son fusil d'épaule.

La raison ? La commission d'enquête de l'ONU sur les droits de l'homme en Syrie a publié jeudi un rapport décrétant que le groupe terroriste continue à commettre un « génocide » contre les yézidis, une minorité kurdophone présente en Irak et en Syrie, a indiqué le ministre des Affaires étrangères Stéphane Dion aux Communes.

M. Dion a indiqué avoir pris connaissance de ce rapport et que la conclusion de la commission est sans appel. Le Canada joint aussi sa voix à celle de l'Union européenne, les États-Unis et la Grande-Bretagne, qui ont tous qualifié les atrocités commisses par le groupe EI de génocide.

«Nous condamnons fortement les atrocités horribles commises par le soi-disant État islamique. Aujourd'hui, pour la première fois, un rapport indépendant d'une commission de l'ONU conclut qu'un génocide a été commis par ce soi-disant État islamique contre les yézidis de Sinjar. Devant cette évidence, notre gouvernement croit qu'un génocide contre les yézidis est en train de se produire. Comme je l'ai fait le mois dernier, nous demandons encore une fois une action urgente du Conseil de sécurité de l'ONU»,  a indiqué le ministre Dion aux Communes en réponse à une question du député conservateur Jason Kenney.

M. Dion a ajouté que le Conseil de sécurité doit s'assurer que les auteurs de ce génocide soient traduits devant la Cour pénale internationale. Il a aussi rappelé que le Canada a augmenté le nombre de soldats canadiens qui forment des troupes locales sur le terrain afin de mieux combattre ce groupe terroriste et «secourir la population» victime de ce génocide.  

Dans son rapport, la commission, mandatée par le Conseil des droits de l'homme de l'ONU, indique qu'en Syrie « des milliers de femmes et filles sont toujours prisonnières et victimes d'abus » et sont souvent soumises à l'esclavage.

Le «génocide (...) est en cours», a indiqué le président de cette commission, le brésilien Paulo Pinheiro, dans un communiqué de presse. Au passage, il a appelé le Conseil de sécurité des Nations unies à saisir la Cour pénale internationale et à prendre des mesures pour protéger cette population.

Environ 3200 yézidis sont entre les mains de l'EI, la majorité en Syrie, selon les enquêteurs. Les femmes sont entretenues comme esclaves sexuelles, tandis que les garçons sont endoctrinés et utilisés dans les combats.

L'EI « continue de chercher à détruire les yézidis de multiples façons », estiment les enquêteurs de l'ONU, qui n'ont jamais pu se rendre en Syrie, mais qui ont pu obtenir le témoignage de rescapés.

«Les survivants qui se sont échappés de leur captivité en Syrie décrivent comment ils ont enduré des viols brutaux, souvent de façon quotidienne, et ont été punis s'ils essayaient de s'échapper», a expliqué un autre enquêteur de l'ONU, Vivit Muntarbhorn.

La commission dénonce la façon dont «le groupe terroriste a procédé au transfert forcé des yézidis en Syrie après les attaques menées dans la région du Sinjar (fief des yézidis) au nord de l'Irak le 3 août 2014».

Mardi, le premier ministre Justin Trudeau et la majorité des députés libéraux ont voté contre la motion du Pati conservateur invitant la Chambre des communes a déclarer que les violences perpétrées par le groupe armé État islamique (EI) constituent un génocide.

M. Trudeau avait expliqué que son gouvernement avait demandé formellement au Conseil de sécurité des Nations unies de déterminer s'il était approprié de qualifier ces violences de génocide. M. Trudeau a fait valoir que cela devait être fait de «manière objective et responsable».

La motion présentée par la chef par intérim du Parti conservateur Rona Ambrose accuse le groupe État islamique de crimes contre l'humanité à l'endroit des chrétiens, des yézidis et des chiites ainsi que d'autres minorités religieuses et ethniques en Syrie et en Irak.

En tout, 166 députés avaient voté contre la motion - y compris la majorité des députés libéraux -, tandis que 139 députés, la plupart conservateurs et néo-démocrates, ont voté pour la motion. Mais quatre simples députés libéraux ont décidé de la soutenir: Nathaniel Erskine-Smith, Anthony Housefather, Karen Ludwig et Borys Wrzesnewskyj.

- Avec La Presse Canadienne et Agence France-Presse