Plusieurs pays européens devront bientôt juger les criminels de guerre provenant de la Syrie qui risquent de s'infiltrer sur leur territoire en se glissant parmi les réfugiés. Et le Canada, beaucoup moins touché par la situation, devrait les aider à gérer cet important fardeau juridique.

C'est le message que lancera aujourd'hui Fannie Lafontaine, titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur la justice internationale pénale et les droits fondamentaux de l'Université Laval, dans le cadre du congrès de l'Association francophone pour le savoir (ACFAS).

« Ces procès vont coûter extrêmement cher à des pays comme l'Allemagne, la Suède et les Pays-Bas. Est-ce que le Canada pourrait jouer un rôle de leadership en créant un réseau d'entraide entre États afin de mettre à leur disposition des ressources financières, des enquêteurs, des ressources spécialisées ? Une coopération internationale doit en tout cas se manifester », dit-elle.

Mme Lafontaine se méfie des amalgames faciles, mais juge néanmoins inévitable que des criminels de guerre profitent du flux de réfugiés qui fuient actuellement la Syrie et l'Irak pour gagner certains pays européens.

« Je ne veux surtout pas faire écho aux discours populistes qui disent qu'il y a plein de terroristes parmi les réfugiés syriens. Ce n'est pas ça que je dis », explique Mme Lafontaine.

Le Canada, estime-t-elle, est largement à l'abri du danger. Les réfugiés qui arrivent chez nous ont d'abord été accueillis par des pays comme la Turquie ou le Liban. Ils sont ensuite sélectionnés par le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés, puis interrogés par le Canada. Leur identité est vérifiée à nouveau à leur arrivée ici.

« Il y a quatre ou cinq points de contrôle. Nous avons le luxe d'être loin, ce qui n'est pas le cas d'autres pays, notamment européens », rappelle-t-elle.

« IL Y A LÀ UNE OCCASION POUR LE CANADA »

Des pays comme l'Allemagne, qui soupçonnent la présence sur leur territoire d'individus ayant commis des crimes de guerre en Syrie, ont peu d'options. Extrader les gens vers leur pays d'origine est évidemment impensable dans le contexte actuel. La Cour pénale internationale (CPI) ? Elle n'a pas compétence sur les crimes commis en Syrie pour une raison technique : le pays ne fait pas partie des 120 États qui ont ratifié le statut ayant permis la création de la CPI. En 2014, le Conseil de sécurité de l'ONU a soumis une résolution pour changer la situation, mais elle a été bloquée par la Russie et la Chine.

L'experte interpelle donc le Canada pour qu'il fasse deux choses. D'abord, qu'il commence à juger les criminels de guerre qu'il découvre chez lui. Depuis 2000, année où la loi a conféré à Ottawa le pouvoir de poursuivre les responsables de crimes de guerre, le Canada a expulsé des centaines de suspects, mais n'en a jugé que deux : les Rwandais Désiré Munyaneza et Jacques Mungwarere.

« On prend très à coeur l'idée que le Canada ne devienne pas une terre d'accueil pour les criminels de guerre, mais ce n'est qu'une partie de notre obligation. L'autre, c'est de s'assurer qu'il y ait justice lorsque des crimes de guerre sont commis. Et ça, on le fait très mal », dit-elle.

Après avoir fait le ménage dans ses propres pratiques, Mme Lafontaine aimerait que le Canada donne un coup de pouce aux pays européens qui devront tenir un grand nombre de procès étant donné la situation exceptionnelle créée par la guerre syrienne.

« Il y a là une occasion pour le Canada de reprendre son rôle de leadership sur la scène internationale », croit-elle.