Le gouvernement libéral s'inquiète de l'impression que l'annonce d'une possible nouvelle ronde de compressions à Radio-Canada pourrait laisser sur le public.

Les fonctionnaires du ministère du Patrimoine ont soulevé cette préoccupation dans une note de breffage préparée en vue d'une rencontre s'étant tenue le 1er décembre dernier entre la ministre Mélanie Joly et le pdg de la société d'État, Hubert Lacroix.

Ils suggéraient à Mme Joly de demander au grand patron du diffuseur public comment il justifierait publiquement une nouvelle ronde de compressions alors qu'Ottawa regarnit ses coffres, selon ces documents obtenus par La Presse Canadienne en vertu de la Loi sur l'accès à l'information.

«D'autres compressions budgétaires auront possiblement lieu selon votre Plan stratégique 2020, où s'effectueraient ces prochaines compressions?», est-il écrit dans les points d'allocution destinés à la ministre.

«En termes de stratégie de communication, comment justifierez-vous publiquement de telles réductions alors qu'un financement accru vous sera versé par le gouvernement?», poursuit-on dans le même document.

Le plan stratégique quinquennal de la société d'État prévoit une diminution du nombre d'employés pouvant aller jusqu'à 1500 d'ici 2020. Environ 650 de ces postes ont été supprimés jusqu'à présent.

Dans un passage de la série de documents gouvernementaux préparés pour l'entrée en fonction de Mélanie Joly, l'automne dernier, il est écrit qu'une autre vague de coupes «devrait être faite d'ici mars 2016» à CBC/Radio-Canada.

La société d'État n'a pas voulu indiquer, lundi, si d'autres pertes d'emplois étaient à prévoir.

«Nous ne pouvons confirmer cela car avec le virage numérique, les Canadiens utilisent nos services de façon différente, les technologies évoluent», a écrit dans un courriel Alexandra Fortier, responsable des communications institutionnelles pour la société d'État.

«Notre transformation signifie donc l'abolition éventuelle de certains postes mais aussi l'embauche de nouveaux employés possédant les compétences requises pour appuyer notre virage numérique», a-t-elle poursuivi.

Le Syndicat des communications de Radio-Canada (SCRC) interprète comme «un très mauvais signe» le fait que le président de la boîte n'ait pas décrété un gel des mises à pied depuis l'annonce, par Ottawa, de l'injection de 675 millions $ sur cinq ans pour CBC/Radio-Canada.

«Il y a une très grande opacité. On ne sait pas ce qui se passe», a commenté en entrevue téléphonique Kamel Bouzeboudjen, responsable des communications au sein de l'organisation syndicat.

«M. Lacroix répète le mot «numérique» comme une espèce de formule magique, mais on ne sait pas ce que va être ce virage numérique concrètement pour les travailleurs», a-t-il enchaîné.

Pourtant, la donne a changé avec les réinvestissements annoncés dans le budget inaugural du gouvernement de Justin Trudeau, a insisté M. Bouzeboudjen.

«On veut au moins que ça s'arrête (les suppressions d'emplois)! On n'est plus dans une logique de coupures gouvernementales. Là, on est dans une logique de réinvestissement», a-t-il tranché.

Au ministère du Patrimoine canadien, l'attaché de presse de la ministre Joly n'a pas voulu commenter le dossier des compressions, plaidant que le diffuseur national est indépendant dans sa gestion des opérations.

Au cours des derniers mois, environ 150 nouveaux employés ont été embauchés pour appuyer le virage numérique, et Radio-Canada prévoit «en recruter encore plus prochainement», a précisé Mme Fortier.

Mais des emplois ont aussi été abolis, a-t-on tenu à préciser dans le camp syndical.

«Le lendemain de l'annonce du 675 millions $, il y a 20 employés du personnel dans les régies du centre de l'information qui ont reçu une lettre de poste excédentaire», a souligné la présidente du SCRC, Johanne Hémond.

«Avec l'effet domino, la cascade d'un poste à l'autre, on compte toujours de deux à trois fois le nombre de personnes touchées par ces coupures», a-t-elle soutenu.