Le gouvernement libéral confirme qu'il évalue la possibilité de réécrire le projet de loi sur la traite et l'exploitation des personnes, qui avait pourtant eu l'aval des Communes et du Sénat.

En février dernier, des mères de jeunes fugueuses du Centre jeunesse de Laval sous l'emprise de proxénètes avaient envoyé une lettre au premier ministre Justin Trudeau pour l'enjoindre à promulguer le projet de loi de l'ex-députée Maria Mourani. Ne manquait que le décret du conseil des ministres, avec l'aval de M. Trudeau, pour que C-452 ait force de loi.

« La situation actuelle ne peut être tolérée. Ce sont de véritables prédateurs qui s'attaquent (à) des jeunes filles vulnérables », pouvait-on lire dans cette lettre signée par cinq parents.

Deux mois après ce cri du coeur, le décret n'a toujours pas été signé.

Or, il se pourrait bien que la législation ne voit jamais le jour, du moins sous cette mouture, puisque le gouvernement étudie actuellement la possibilité de réécrire la loi.

« Nous examinons les options », a indiqué mardi Joanne Ghiz, du bureau de la ministre de la Justice, Jody Wilson-Raybould.

Interrogée à ce sujet à la sortie d'une rencontre du cabinet, Mme Wilson-Raybould a répété qu'elle travaillait sur le dossier, sans toutefois préciser si elle planchait actuellement sur l'élaboration d'une toute nouvelle version.

« Nous travaillons là-dessus. Nous reconnaissons la réalité de l'exploitation des personnes, il s'agit d'un sujet incroyablement important. Nous continuons à collaborer avec nos homologues au Québec et à travers le pays, et nous allons y revenir », a signalé la ministre.

Des peines plus lourdes

Le projet de loi C-452 renverse le fardeau de la preuve vers l'exploiteur et permet que puissent être confisqués les biens produits de la criminalité de celui qui est reconnu coupable d'exploitation et traite de personnes. Il permet également les peines consécutives, donc des sentences potentiellement plus lourdes.

Les libéraux disent craindre que le projet de loi contrevienne à la Charte canadienne des droits et libertés.

Mais pour l'auteure du projet de loi, l'ex-députée Maria Mourani, cet argument ne tient pas la route.

« C'est incompréhensible, parce que c'est un projet de loi qui a passé toutes les étapes du Parlement et du Sénat, qui a été analysé et réanalysé par différents experts, qui a été voté à l'unanimité, dont par M. Trudeau lui-même », a-t-elle rappelé en entrevue.

Selon celle qui a été députée bloquiste de 2006 à 2013, puis indépendante, avant d'être candidate néo-démocrate défaite en 2015, le gouvernement agit par esprit partisan.

« Si j'étais libérale, je peux vous dire qu'ils auraient signé le décret depuis longtemps », a-t-elle affirmé.

À ses yeux, le temps presse, parce que des jeunes filles se font recruter par des gangs de rue « chaque jour » et que la législation proposée permettrait d'endiguer le problème.

D'autant que cela fait longtemps qu'elle est dans les cartons. Le projet de loi s'est d'abord éteint au feuilleton en 2011, pour être finalement adopté aux Communes en 2013, puis au Sénat en 2015.

Il a reçu la sanction royale le 18 juin 2015 et n'attend donc plus qu'un décret, une affaire de « quelques minutes » seulement, selon Mme Mourani. « Des gens souffrent pendant qu'on tergiverse », a-t-elle plaidé.