Alors que le ministre fédéral des Finances Bill Morneau en était l'un des principaux dirigeants, la firme de régimes de retraite Morneau Shepell a établi une société aux Bahamas, un paradis fiscal. Morneau Shepell précise toutefois que sa société créée aux Bahamas en 2014 représente une infime partie de ses revenus et qu'elle a été créée pour embaucher un associé en respectant les lois des Bahamas, où l'entreprise a des clients.

Le bureau de deux employés de Morneau Shepell aux Bahamas génère des revenus d'environ 300 000 $/an, soit 0,05 % des revenus totaux de l'entreprise (567 millions). Il fait uniquement des mandats de consultation en matière de régimes de retraite pour des clients dans les Caraïbes. Le bureau des Bahamas obtient 20 % de ce type de mandats chez Morneau Shepell, et le bureau de Toronto 80 %. Morneau Shepell est très clair sur le fait que les revenus générés par le travail réalisé à son bureau des Bahamas sont imposés dans ce pays et que les revenus générés par le travail réalisé à son bureau de Toronto le sont au Canada, comme l'exigent les lois fiscales.

« Comme entreprise inscrite en Bourse, nous respectons toutes les lois fiscales de toutes les juridictions où nous faisons affaire. Les revenus de nos mandats internationaux en régimes de retraite effectués à Toronto sont inclus dans nos activités au Canada [et donc assujettis à l'impôt au Canada] », a indiqué par courriel Nathan Gibson, porte-parole de Morneau Shepell.

« Nous ne transférons pas de revenus de notre bureau de Toronto à travers notre bureau des Bahamas. Notre société au Canada paie des impôts sur ses revenus mondiaux. »

En vertu des lois fiscales, une filiale aux Bahamas ne paie pas d'impôts sur ses profits aux Bahamas et peut les rapatrier au Canada sans payer d'impôts canadiens.

Le ministre des Finances Bill Morneau « croit fermement que tous les Canadiens doivent payer leur juste part d'impôts », selon son directeur des communications Daniel Lauzon. « Le fait d'avoir bâti et dirigé une entreprise avec un rayonnement international est une source de fierté pour le ministre Morneau. Notre gouvernement croit fermement que tous les Canadiens doivent payer leur juste part d'impôts. C'est un principe que le ministre Morneau a à coeur, et nous continuerons nos efforts non seulement pour renforcer les capacités de l'Agence de revenu du Canada, mais aussi pour poursuivre les réformes au niveau international au sein de différentes instances tels que le G20 et l'OCDE », a indiqué M. Lauzon par courriel.

« EMBAUCHE STRATÉGIQUE »

Morneau Shepell, une firme de régimes de retraite et de ressources humaines dont Bill Morneau a été président exécutif de 1992 jusqu'à son élection comme député fédéral en 2015, a fondé en 2014 la société Morneau Shepell (Bahamas) Ltd dans les Bahamas, un pays considéré comme un paradis fiscal par l'Union européenne, notamment parce qu'il n'impose pas les profits des entreprises.

Morneau Shepell indique sa filiale aux Bahamas dans ses rapports annuels, et a rédigé un communiqué de presse lors de l'ouverture de son bureau aux Bahamas en 2014. Parmi les médias, c'est le chroniqueur économique du Journal de Montréal, Michel Girard, qui a mentionné en premier l'existence de la société Morneau Shepell (Bahamas) Ltd - ainsi qu'une autre société de Morneau Shepell au Delaware aux États-Unis - dans sa chronique publiée jeudi dernier.

Le cabinet Morneau Shepell explique avoir créé une société aux Bahamas pour faire « l'embauche stratégique » d'un associé vivant à la Barbade et pour « générer des nouveaux mandats de consultation », mais non pour des raisons fiscales. « Il y avait une obligation légale de créer une entité distincte [aux Bahamas] », a indiqué Nathan Gibson, porte-parole de Morneau Shepell, qui ajoute que les activités du bureau des Bahamas ne sont pas considérées comme des informations importantes (« material ») pour les états financiers de l'entreprise. Le bureau des Bahamas génère environ 300 000 $ sur les revenus annuels totaux de 567 millions de Morneau Shepell. Il compte 2 employés, alors que l'entreprise en dénombre 4000 au total.

Pour ses mandats de consultation internationale en matière de régimes de retraite (qui sont partagés à 20 % aux Bahamas et 80 % à Toronto), Morneau Shepell a des clients « principalement du secteur public » dans 11 pays des Caraïbes et un pays d'Amérique du Sud.

Depuis son élection en octobre dernier, Bill Morneau a démissionné de ses fonctions de président exécutif et de membre du conseil d'administration de Morneau Shepell, l'entreprise fondée par son père en 1966. M. Morneau détient toujours 5 % des actions de Morneau Shepell par le biais d'une fiducie, conformément à la réglementation fédérale pour les actifs des ministres. Comme ministre des Finances, Bill Morneau est responsable de la politique fiscale du gouvernement fédéral, notamment sur la question des paradis fiscaux. Son dernier budget déposé le 22 mars contenait plusieurs mesures relatives à la fiscalité internationale, dont certaines mesures de la réforme fiscale internationale BEPS.