Des agences canadiennes d'aide humanitaire ont rencontré à plusieurs reprises la ministre du Développement international, Marie-Claude Bibeau, depuis que les libéraux ont été élus, mais pour la première fois, elles ont été invitées à s'asseoir avec le ministre de la Défense, Harjit Sajjan.

Le soutien humanitaire et au développement fait partie de la contribution du Canada à la lutte internationale contre le groupe armé État islamique (ÉI) en Irak et en Syrie depuis les 18 derniers mois. Cependant, les libéraux ont récemment recentré la mission canadienne sur ce soutien, ce qui pose problème pour le gouvernement: comment rallier les Canadiens sans mettre à risque le travail des travailleurs humanitaires?

C'est avant tout une question de communications. Lier trop étroitement les contributions à l'armée et celles aux groupes humanitaires crée la perception que ces groupes ne sont pas neutres et impartiaux, ce qu'ils doivent être pour s'impliquer dans des zones de conflit.

«Si on utilise une approche intégrée ou pangouvernementale, il faut être très prudent sur nos activités et sur la façon de les nommer», explique Stephen Cornish, le directeur exécutif de Médecins sans frontières. Pour lui, la présence de M. Sajjan à une réunion est un signe positif.

Alors que Mme Bibeau a établi clairement que les principes humanitaires seraient respectés, les groupes humanitaires n'avaient pas encore eu l'occasion de discuter directement avec le ministre de la Défense, a indiqué Gillian Barth, la présidente et chef de la direction de CARE Canada.

«S'il est important que l'humanitaire demeure indépendant des autres piliers, nous reconnaissons aussi que l'on a encore besoin d'avoir une coopération civile et militaire dans certaines régions. Donc c'est important que tout le monde ait la même vision.»

Discuter directement avec le ministre était important, étant donné une erreur qu'a commise le gouvernement précédent, l'an dernier. Au printemps, lorsque la mission de lutte contre l'ÉI a été élargie pour permettre désormais de bombarder des cibles de l'ÉI en Syrie, une page a été créée sur le site du ministère des Affaires étrangères, avec des photos démontrant le travail du Canada. Sur l'une d'elles, on voyait un avion de chasse canadien. Sur la suivante, des travailleurs internationaux distribuaient des fournitures.

Les organisations non gouvernementales, inquiètes que le fait de rapprocher leur travail à celui de l'armée ne fasse des travailleurs une cible, ont immédiatement demandé à ce que les photos soient retirées. Le gouvernement a obtempéré.

C'est pour éviter ce genre de situation que la rencontre a été convoquée, a affirmé Bernard Boutin, un porte-parole de la ministre Bibeau.

«C'est pourquoi nous avons cette discussion, pour s'assurer que la perception d'indépendance est préservée.»