Après le faste entourant sa visite à la Maison-Blanche, Justin Trudeau est apparu beaucoup plus décontracté vendredi alors qu'il répondait aux questions d'un groupe d'étudiants de l'American University.

Au dernier jour de son périple à Washington, le premier ministre canadien - sans veston et les manches de sa chemise retroussées - a préféré répondre à bâtons rompus aux questions des étudiants plutôt que de se terrer derrière un discours officiel.

M. Trudeau a abordé de nombreux thèmes allant de la candidature éventuelle de Donald Trump à l'élection présidentielle américaine, à la mission canadienne au Moyen-Orient en passant par le moyen le plus efficace de se faire embaucher dans son équipe.

Le premier ministre a répondu sans détour à la plupart des questions, à l'exception près de l'éventuelle nomination de Donald Trump comme candidat républicain à l'élection présidentielle.

«Les Canadiens... trouvent difficile de nourrir la haine et la peur bien longtemps. Nous sommes un peuple optimiste et rempli d'espoir. Nous connaissons et nous aimons généralement nos voisins», a déclaré M. Trudeau avant que la foule ne pouffe de rire.

«Oh... je voulais dire à l'intérieur du Canada, mais ça s'applique aux États-Unis aussi.»

Chaque fois qu'il s'adresse à un auditoire métissé, M. Trudeau dit réaliser que «ce qui nous unit est bien plus important que ce qui nous divise».

Diplomate, il a souligné qu'il faisait totalement confiance en l'électorat américain. «Je suis impatient de travailler avec la personne qui sera élue en novembre prochain», a-t-il ajouté.

Sur une note plus humoristique, M. Trudeau s'est fait demander -  dans l'éventualité où de nombreux Américains décidaient de migrer au Canada après une éventuelle victoire de Donald Trump à la présidentielle - s'il allait ériger un mur le long de la frontière américaine et refiler la facture à Washington.

Une référence évidente au mur que le magnat de l'immobilier a promis de bâtir le long de la frontière mexicaine, et ce, aux frais des Mexicains.

«Chaque élection, il y a des gens qui jurent qu'ils déménageront au Canada si le candidat de leur choix n'est pas élu», a raillé M. Trudeau.

«Si au cours des dernières décennies cela avait été le cas, nous aurions aujourd'hui plus de citoyens au Canada qu'aux États-Unis, plutôt que d'être le dixième de votre taille.»

Sur un tout autre terrain, M. Trudeau a décrit comment il avait réussi, avec son équipe, à court-circuiter les tactiques des conservateurs qui tentaient de se faire réélire en octobre dernier.

«Nous avons besoin de nous élever au-dessus des réactions impulsives», a-t-il dit en faisant référence à la loi adoptée par les conservateurs qui permettait de révoquer la nationalité canadienne aux citoyens qui détenaient une double citoyenneté et qui étaient déclarés coupables d'infractions liées au terrorisme. Cet aspect de la réforme conservatrice a été abrogé par les libéraux depuis leur arrivée au pouvoir.

«Je me suis retrouvé à un moment sur une estrade avec l'ancien premier ministre (Stephen Harper) pour dire que oui, un homme à qui il venait de retirer sa citoyenneté canadienne parce qu'il avait été reconnu coupable de terrorisme devrait la récupérer - même s'il avait au sens figuré et peut-être même au sens propre déchiré son passeport canadien», a-t-il expliqué.

«Et pourtant, je me trouve ici devant vous à titre de premier ministre du Canada.»

La journée de M. Trudeau s'était amorcée sur une note beaucoup plus solennelle alors qu'il s'était rendu au cimetière national d'Arlington pour déposer une couronne de fleurs sur la tombe du Soldat inconnu.

Il a également posé en matinée une couronne fleurie sur une grande croix qui honore la mémoire des Canadiens qui sont morts en combattant auprès des Américains lors des deux guerres mondiales et durant la guerre de Corée.

Un groupe d'élèves d'une école secondaire de Géorgie se trouvait dans le cimetière d'Arlington - qui est un lieu de sépulture pour de nombreux soldats américains - au même moment.

Le directeur de leur école est originaire du Canada, mais n'a pas fait le voyage avec le groupe jusqu'à Washington. Les enseignants sur place ont tenté de le joindre par téléphone pour l'informer de leur rencontre avec le chef du gouvernement canadien.

«Il va être complètement renversé», a lancé l'un d'eux, Cory Martin.

Plus tard dans la journée, M. Trudeau a livré un discours et a pris part à une séance de questions-réponses organisée par le centre de recherche Canada 2020 et le Center for American Progress.

La mise en place de politiques progressistes doit s'appuyer sur quatre piliers, a-t-il expliqué: des possibilités économiques élargies, la transparence, l'innovation et la diversité.

«Aucun mouvement progressiste ne peut être couronné de succès s'il n'intègre pas cette réalité fondamentale qui est que la diversité est une force. Les Canadiens le savent - ils vivent cette réalité quotidiennement, tout comme nos amis américains», a-t-il dit.

«La peur est un sentiment facile. L'amitié? Cela prend du temps. Mais le Canada et les États-Unis ont prouvé, encore et encore, que de trouver un terrain d'entente vaut l'effort qu'on y met.»

PHOTO PAUL CHIASSON, PC

Justin Trudeau s'est recueilli sur la tombe du Soldat inconnu, vendredi au cimetière d'Arlington.