À un jour d'intervalle, deux sénateurs conservateurs issus du Québec ont claqué la porte de leur parti afin de devenir indépendants. L'un d'entre eux, Diane Bellemare, souhaite désormais unir tous les indépendants pour former une sorte de troisième voie à la Chambre haute.

Michel Rivard, à qui il ne reste pourtant que trois mois de mandat puisqu'il aura 75 ans bientôt, a lui aussi quitté le caucus conservateur, faisant grimper le nombre d'indépendants à 13. Jacques Demers et John Wallace, du Nouveau-Brunswick, avaient eux aussi cessé récemment de porter les couleurs des conservateurs.

Leurs motivations sont différentes. M. Rivard admet volontiers qu'il n'a pas digéré qu'on ne lui ait pas demandé, l'automne dernier, de mettre la main à la pâte pour la campagne électorale conservatrice, comme il l'avait pourtant fait depuis 15 ans. Dans la foulée du scandale des dépenses au Sénat, les troupes de Stephen Harper n'ont en effet pas sollicité les sénateurs pour le scrutin du 19 octobre.

«Ils nous ont complètement exclus de la campagne électorale, et moi, ça m'a beaucoup insulté», a expliqué M. Rivard au téléphone. Il a laissé passer un peu de temps, mais une accumulation d'irritants a eu raison de son allégeance.

Mme Bellemare, de son côté, n'a pas voulu jeter la pierre à son ancien parti. Dans une allocution devant ses collègues, mardi, Mme Bellemare a soutenu que le Sénat devait être «plus indépendant et moins partisan» afin de retrouver la confiance des citoyens.

«Aujourd'hui, le Sénat se retrouve dans une phase critique de son évolution que l'on ne peut prendre à légère», a-t-elle signalé.

Questionnée par les journalistes, elle a expliqué sa démarche par le fait que de nombreux nouveaux sénateurs devaient être nommés très prochainement par les libéraux. Comme ces sénateurs seront en principe indépendants, elle souhaite organiser un groupe pour que tous ceux qui n'adhèrent pas à un caucus partisan puissent partager des ressources et s'épauler.

Il y a en ce moment 24 sièges vacants dans un Sénat qui en compte 105. Les libéraux de Justin Trudeau ont demandé à un comité de les conseiller sur les nominations à venir.

Mme Bellemare croit que l'on pourrait notamment s'inspirer du modèle des «crossbenchers» au Royaume-Uni. Ce troisième groupe viendrait «faire le contrepoids à la ligne conservatrice ou libérale traditionnelle». «Je pense qu'avec trois groupes, il y a moins de chance que le Sénat soit à la merci de la Chambre des communes et du gouvernement», a-t-elle affirmé.

Tant M. Rivard que Jacques Demers, l'ex-entraîneur du Canadien de Montréal qui a quitté le caucus conservateur en décembre, semblaient très ouverts à sa proposition. M. Demers a confié être parti pour des raisons semblables à celles de M. Rivard, disant avoir été «en beau tabarouette» d'avoir été exclu de la campagne électorale.

Pour M. Demers, la formation d'un troisième groupe permettrait peut-être une meilleure présence des indépendants sur les comités sénatoriaux, ce dont il serait ravi.

Devant ces départs du caucus conservateur, la chef intérimaire du Parti conservateur du Canada (PCC), Rona Ambrose, n'a pas semblé s'alarmer.

«Je pense que c'est naturel, et j'ai reçu des notes ou des appels de tous ceux-là, qui m'ont dit qu'ils me respectent, respectent mon leadership et le parti, mais qu'ils veulent devenir indépendants. Je n'ai aucun problème avec ça et je leur souhaite bonne chance», a-t-elle indiqué.