Quatre mois après la défaite électorale, les militants du Parti conservateur s'apprêtent à tourner définitivement la page sur un enjeu qui a soulevé les passions au pays et a donné de sérieux maux de tête aux dirigeants du parti : la reconnaissance des mariages entre conjoints du même sexe.

Les militants du parti de l'Alberta, de la Colombie-Britannique et, plus récemment, du Québec, ont tour à tour soutenu une résolution qui aurait pour effet de supprimer la définition traditionnelle du mariage comme l'union d'un homme et d'une femme du programme officiel du Parti conservateur. Cette résolution, pleinement appuyée par la chef intérimaire Rona Ambrose et d'autres membres influents du parti comme Jason Kenney, sera débattue et mise aux voix lors du congrès conservateur, qui aura lieu à Vancouver du 26 au 28 mai.

En entrevue à La Presse, hier, Rona Ambrose a affirmé sans ambages que le temps était venu de clore le débat sur cette question une fois pour toutes au sein de son parti.

« Nous sommes en 2016 ! », a spontanément lâché Mme Ambrose, durant l'entrevue qui s'est déroulée en français à Stornoway, la résidence officielle du chef de l'opposition.

« Je pense que c'est bon et qu'il est temps de le faire. J'ai dit publiquement et clairement que le Parti conservateur est ouvert à tous les conservateurs, peu importe leur orientation sexuelle. »

« Si vous appuyez nos politiques de diminution des taxes, de budgets équilibrés et de gouvernements de petite taille, vous êtes bienvenus dans notre parti. »

- Rona Ambrose, chef intérimaire du Parti conservateur

« Il y a beaucoup de personnes gaies dans le Parti conservateur, qui travaillent dans notre parti et qui sont partisanes de notre parti. C'est un message important de leur dire qu'elles sont bienvenues. J'espère que les gens vont comprendre qu'on a tourné la page sur ce débat. C'est le sentiment au sein de notre caucus. C'est le sentiment de la majorité de nos membres », a encore dit Mme Ambrose.

Il y a quelques semaines, des membres de la communauté LGBT (lesbiennes, gais, bisexuels et transgenres) ont écrit une lettre aux dirigeants du parti, les invitant à modifier la politique du Parti conservateur sur le mariage gai. « Cette politique est un obstacle majeur à l'acceptation du message conservateur par les électeurs qui, autrement, seraient portés à appuyer les positions du parti sur l'économie, la sécurité et les affaires étrangères », pouvait-on lire dans cette lettre.

Durant les travaux parlementaires aux Communes, Mme Ambrose s'est portée à quelques reprises à la défense des droits des gais et lesbiennes, notamment ceux qui sont menacés de mort par les membres du groupe armé État islamique en Syrie ou en Irak. Selon elle, la violation des droits des femmes, des minorités religieuses et des homosexuels illustre la nécessité de maintenir les avions de chasse CF-18 dans cette région pour contrer la menace que représente l'EI.

« C'est une violation des droits de la personne. M. Trudeau dit qu'il se préoccupe des droits des gais et lesbiennes. Mais le groupe EI s'en prend aux groupes religieux, aux groupes minoritaires, y compris les gais et lesbiennes », a affirmé Mme Ambrose, disant regretter la décision du gouvernement libéral de rapatrier au pays les CF-18.

BILINGUISME OBLIGATOIRE

Alors que les bonzes du mouvement conservateur se réunissent à Ottawa cette fin de semaine dans le cadre de la Conférence du Centre Manning, afin de discuter des défis à relever avant de reprendre le pouvoir, Mme Ambrose a un message sans équivoque pour ceux qui aspirent à prendre les commandes du parti : le prochain chef doit être bilingue.

« Absolument, le chef doit être bilingue. C'est essentiel si vous voulez être le chef d'un pays bilingue. [...] C'est un message important pour les Québécois et aussi tous les Canadiens. C'est essentiel », a dit Mme Ambrose, qui suit des cours de français à raison de trois heures par semaine et parle trois autres langues : l'anglais, le portugais et l'espagnol.

Mme Ambrose a soutenu que ceux qui ne parlent pas la langue de Molière en ce moment et qui songent à briguer la direction du parti doivent se mettre à l'apprentissage du français dès maintenant.

Le prochain chef du Parti conservateur sera choisi en mai 2017. Les candidats potentiels sont les anciens ministres Jason Kenney, Maxime Bernier, Tony Clement, Peter MacKay, Lisa Raitt, Kelly Leitch et l'homme d'affaires et ex-dragon à l'émission de téléréalité Dragon's Den Kevin O'Leary. Mmes Raitt et Leitch et M. O'Leary ne parlent pas français.