Le gouvernement Trudeau doit soumettre les grands projets d'oléoduc comme celui de TransCanada à une nouvelle évaluation environnementale plus stricte compte tenu que l'Office national de l'énergie (ONE), l'organisme fédéral chargé d'approuver et de surveiller les projets de pipeline, manque à ses devoirs les plus élémentaires, estime le chef du Nouveau Parti démocratique (NPD), Thomas Mulcair.

M. Mulcair a fait cette sortie après que la commissaire à l'environnement et au développement durable, Julie Gelfand, eut servi une solide remontrance à l'ONE dans un rapport déposé à la Chambre des communes, au moment même où le débat entourant la construction de l'oléoduc Énergie Est enflamme les passions au pays.

Dans son rapport, Mme Gelfand affirme que l'ONE «ne surveillait pas adéquatement la conformité des compagnies aux conditions imposées lors de l'approbation des projets de pipelines».

Autrement dit, l'organisme fédéral ne fait pas le suivi nécessaire après l'approbation des projets dans la moitié des cas examinés par les enquêteurs du bureau de la commissaire (24 cas sur 49). Pis encore, l'ONE utilise «des systèmes de gestion de l'information désuets et inefficaces qui n'étaient pas intégrés les uns aux autres» lorsqu'il fait des suivis.

Mme Gelfand demande donc à l'ONE de donner un sérieux coup de barre afin d'améliorer ses pratiques et de «redoubler d'efforts», d'autant plus que l'on assiste à une hausse marquée de la capacité des pipelines au pays et que plusieurs projets sont encore à l'étude.

«Il importe donc que l'Office exerce une surveillance efficace de la conformité réglementaire pour réduire le risque de non-conformité des compagnies et pour protéger la population canadienne et l'environnement», affirme Mme Gelfand.

«Le système des conservateurs»

Pour le chef du NPD, ce rapport confirme que le régime d'évaluation environnementale a été émasculé au pays par l'ancien gouvernement conservateur de Stephen Harper. «C'est évident qu'on ne peut pas utiliser le système actuel. C'est un système défaillant parce que c'est le système des conservateurs qui n'ont jamais cru à la protection de l'environnement», a dit Thomas Mulcair.

Greenpeace, par la voix de son porte-parole au Québec Patrick Bonin, a abondé dans le même sens. «Le rapport du commissaire représente une preuve supplémentaire de l'urgence de réformer l'Office national de l'énergie que le gouvernement Harper a modifié en faveur de l'industrie pétrolière et aux dépens des populations. L'ONE ne pourra pas être considéré crédible tant que le gouvernement Trudeau ne l'aura pas réformé de fond en comble pour que son travail soit efficace, démocratique et basé sur la science.»

Dans son rapport, la commissaire donne l'exemple d'une entreprise qui avait pour condition d'étudier les effets sur l'environnement, advenant une rupture, alors que son pipeline sillonne un habitat de caribous. Dix ans plus tard, l'Office ignorait toujours si cette entreprise avait fait l'étude.

Mme Gelfand a également souligné qu'il y a «place à des améliorations importantes» dans la préparation aux situations d'urgence. Chaque année, quelques dizaines de fuites ou déversements de pétrole sont recensés, bien qu'ils soient généralement d'importance modeste.

Or ces incidents «peuvent mettre les populations en danger et contaminer les écosystèmes», rappelle-t-elle. Elle recommande notamment à l'Office d'arrimer son plan d'urgence avec celui du ministère des Ressources naturelles.

Mesures à venir

Le ministre des Ressources naturelles, Jim Carr, a indiqué qu'il annoncera «dans les prochains jours» de nouvelles mesures d'évaluation qui seront appliquées à tous les projets, y compris ceux qui font présentement l'objet d'un examen par l'ONE. L'une de ces nouvelles mesures sera l'imposition d'un «test climatique» qui permettra d'évaluer les émissions de gaz à effet de serre des projets liées à la production, au transport et à la combustion du pétrole.

Le ministre Carr a aussi indiqué avoir discuté avec le président de l'ONE, Peter Watson, des conclusions du rapport de la commissaire hier matin. «Il m'a assuré que l'ONE a déjà commencé à mettre en oeuvre les recommandations. Mon ministère va surveiller le temps que cela va prendre», a-t-il dit.

Pour sa part, l'ONE a fait savoir qu'elle entend donner suite à toutes les recommandations de la commissaire d'ici la fin de l'année. «Les conclusions et les recommandations que présente le rapport visent des domaines à améliorer déjà ciblés par l'Office et aideront l'Office à mieux servir la population canadienne. L'Office a déjà adopté des mesures qui concordent avec les recommandations», a-t-on indiqué dans un communiqué de presse.

- Avec La Presse Canadienne