Justin Trudeau a tracé une limite à l'implication du Canada dans la guerre contre le groupe armé État islamique en Irak et en Syrie.

La plus grande crainte du premier ministre est que le pays - et l'Occident dans son ensemble - s'embourbe dans ce qui pourrait devenir un conflit militaire et sectaire insoluble.

Les prochaines semaines nous diront si M. Trudeau pourra respecter son engagement électoral de redéfinir le rôle du Canada dans la région, dans la foulée des événements des derniers jours.

Jeudi, les Forces armées canadiennes ont été au coeur d'une opération majeure dans le nord de l'Irak, alors que des centaines de combattants extrémistes ont lancé une offensive de grande ampleur contre les forces kurdes dans la région.

L'armée a indiqué que des membres des forces spéciales canadiennes entraînant les combattants kurdes avaient ouvert le feu pour appuyer les Kurdes tentant de repousser l'offensive de l'ÉI. Ces 69 instructeurs des forces spéciales ne sont pas considérés comme étant dans un rôle de combat, mais parfois il n'y a pas d'autre choix que d'intervenir, avait affirmé le major-général Charles Lamarre.

« Ce que j'ai dit qui me préoccupait depuis le tout début est tout ce qui pourrait mener à une participation active de l'Occident et à l'envoi de troupes au sol », a déclaré M. Trudeau lors d'une entrevue de fin d'année réalisée mercredi avec La Presse Canadienne.

« Et je crois que c'est quelque chose - comme c'était le cas en Libye ou lors des précédents conflits en Irak - que l'on sait qui ne mènera pas nécessairement aux résultats à long terme que les gens pourraient espérer et qui justifieraient des coûts humains. »

À première vue, la position du gouvernement libéral est semblable à celle de l'administration de Barack Obama aux États-Unis ou encore à celle de l'ancien gouvernement de Stephen Harper.

Depuis que l'État islamique a accru sa menace, la réponse des États-Unis, du Canada et d'autres alliés a été sensiblement la même : une action militaire? Oui. Des troupes au sol? Non.

Même le premier ministre irakien Haider al-Abadi a répété à maintes reprises qu'il ne souhaitait pas que des forces occidentales soient déployées pour combattre les djihadistes et qu'il préférait neutraliser l'État islamique lui-même - ou avec la collaboration des milices chiites parrainées par l'Iran.

Mais depuis les attaques terroristes de Paris, le message a évolué. Les États-Unis déploient notamment plus de forces spéciales et accentuent les frappes aériennes.

C'est précisément cet enlisement que le gouvernement Harper - qui avait en tête la mission canadienne en Afghanistan - a tenté d'éviter en votant sa motion parlementaire qui a permis au Canada de s'impliquer militairement, tout en excluant l'envoi de soldats au sol.

Depuis qu'il a pris le pouvoir, M. Trudeau a annoncé son intention de stopper la participation canadienne aux frappes aériennes et de recentrer les efforts du pays sur la formation des forces kurdes sur le terrain.

Bien qu'on ne sache toujours pas comment cette nouvelle implication du Canada se définira et s'articulera, M. Trudeau semble déjà avoir dans sa ligne de mire un objectif à beaucoup plus long terme.

« Je suis un leader mondial maintenant donc je dois trouver une solution à la situation au Moyen-Orient, essentiellement », a laissé tomber M. Trudeau, mi-farceur mi-caustique, après avoir été questionné sur son plan pour rétablir la paix en Syrie et en Irak.

« Évidemment, l'action militaire ne va pas résoudre à elle seule la guerre civile en Syrie et ne va pas signer la défaite de l'État islamique. Nous devons nous rendre compte que l'action militaire est une composante nécessaire parce que c'est une organisation épouvantable qui tue et qui met la vie d'innocents en danger tous les jours (...). »

Mais en plus de la force militaire, des efforts humanitaires et un suivi au niveau « des structures diplomatiques, politiques et de la gouvernance » sont des éléments essentiels de ce combat, estime-t-il.