Le premier ministre Justin Trudeau tenait à accueillir lui-même le premier groupe de réfugiés syriens à Toronto, même s'ils sont arrivés en retard et aux petites heures du matin jeudi, afin d'envoyer un puissant message à toute la planète, alors que certains pays montrent des signes d'hésitation ou que des gens aspirant au pouvoir comme Donald Trump sombrent dans l'intolérance.

La crise des réfugiés est l'affaire de tout le monde, a plaidé M. Trudeau dans une longue entrevue accordée à La Presse, et le Canada donne l'exemple en multipliant les efforts pour accueillir 25 000 réfugiés syriens d'ici la fin février.

Les traits quelque peu tirés après une courte nuit de sommeil et une rencontre au sommet avec le premier ministre du Québec Philippe Couillard, M. Trudeau a dit avoir saisi l'ampleur de la contribution canadienne quand il a vu arriver les premiers réfugiés à l'aéroport international Pearson de Toronto.

La presse internationale a d'ailleurs largement fait état de la décision de Justin Trudeau d'être présent sur les lieux pour offrir un accueil tout canadien à un premier groupe de réfugiés.

«J'ai tellement parlé à des gens à travers le pays qui étaient interpellés par cette initiative! Tout le monde voulait être là pour accueillir les premiers réfugiés. Je trouvais que c'était la chose à faire, en tant que premier ministre, d'être là pour les recevoir au nom de tous les Canadiens. C'est un projet qui va plus loin que juste un palier de gouvernement. C'est le pays tout entier qui est en train de démontrer qu'on peut et qu'on veut en faire plus», a affirmé M. Trudeau, attablé tout près d'un sapin de Noël au café Paillard, rue Saint-Jean, dans le Vieux-Québec.

Contrer la misère

En voyant les premiers «nouveaux Canadiens», M. Trudeau ne pouvait se dire autre chose que «mission accomplie» en ce qu'il voyait une promesse électorale devenir réalité. «Nous avons fait cela. J'ai proposé aux Canadiens de poser ce geste. Et en tant que premier ministre, j'ai pu prendre les moyens pour que cela arrive», a-t-il dit, manifestement heureux de la tournure des événements.

«Nous accueillons ces réfugiés non seulement parce que nous savons que c'est bon pour nos communautés et notre pays, mais aussi parce que c'est un bon exemple pour toute la planète. Pour ceux qui ont de la difficulté à ouvrir leurs frontières, on peut leur dire: voilà comment cela doit être fait pour contrer la misère causée par des conflits dans le monde. J'espère que cela va convaincre les États-Unis et d'autres pays d'en faire plus.»

Quant à sa courte nuit de sommeil, M. Trudeau a lancé: «Je suis jeune quand même! Je peux le prendre.»

Un deuxième groupe de réfugiés syriens doit arriver aujourd'hui à l'aéroport de Montréal. M. Trudeau a délégué certains de ses ministres pour les recevoir. Le premier ministre du Québec, Philippe Couillard, doit aussi être présent.

En entrevue, M. Trudeau a confié qu'il croyait devoir rassurer le président des États-Unis, Barack Obama, sur l'ambitieuse opération de son gouvernement pour accueillir les réfugiés syriens. Il s'était même préparé une liste d'arguments à faire valoir durant la rencontre bilatérale qu'il a eue avec M. Obama à Manille, à l'occasion du sommet de l'APEC le mois dernier, notamment sur les mesures de sécurité que le Canada avait prises.

Car, toute proportion gardée, le Canada fait un effort nettement plus important que les États-Unis (85 000 réfugiés en 2016, dont 10 000 de la Syrie).

«Quand je me suis assis avec le président Obama aux Philippines, j'avais en tête plein d'arguments justement pour le rassurer. Je savais qu'il y avait plusieurs enjeux dont il fallait parler. Mais j'étais aussi prêt à justifier que le Canada pouvait mener cette opération, tout en respectant les questions de sécurité. Mais il n'a rien soulevé. Il comprenait tout à fait qu'on faisait cela tout en respectant l'aspect sécuritaire. Écoutez, des touristes peuvent être plus un danger pour nous que les réfugiés. Le Canada accueille plus de 200 000 personnes par jour à l'intérieur de ses frontières. Cette peur que certaines personnes sont en train de propager au sujet des réfugiés ne tient pas la route. Ces gens-là sont en train de fuir le terrorisme!», a-t-il laissé tomber.

Assurer la contribution canadienne

En 2016, le gouvernement libéral qu'il dirige entend donc poursuivre sur cette lancée afin que le Canada puisse assurer sa contribution. Combien de nouveaux réfugiés syriens seront invités à faire du Canada leur terre d'accueil? M. Trudeau se limite à dire pour le moment qu'il entend respecter son engagement de recevoir 25 000 réfugiés parrainés par le gouvernement. Parmi les 25 000 qui arriveront d'ici la fin février, 15 000 le sont par le gouvernement canadien, et les autres, par des organismes et les familles. On peut donc s'attendre à ce qu'on reçoive au moins 10 000 autres réfugiés après février.

«Nous sommes en train d'en discuter au cabinet. Notre promesse était d'accueillir 25 000 réfugiés parrainés par le gouvernement. Mais je pense que nous pourrons recevoir les 10 000 réfugiés qui manqueront d'ici la fin du printemps.

«Il est vrai que nous avons mis les bouchées doubles [...]. Mais quand on vient de se faire élire, on a énormément d'énergie. Mes ministres et la fonction publique ont travaillé extrêmement fort.»

Faire les choses autrement

Le premier ministre Justin Trudeau a décidé de faire les choses différemment, même quand il s'agit d'une entrevue de fond avec un quotidien. Il a invité La Presse dans un café bien connu de Québec, le Paillard, situé rue Saint-Jean et reconnu pour ses délicieuses pâtisseries. À son arrivée, de nombreux clients du café se sont précipités pour lui serrer la main et prendre des égoportraits. Fidèle à ses habitudes, M. Trudeau a aussi pris le temps de faire le tour de la salle pour saluer chaleureusement tout un chacun avant de s'asseoir à une petite table ronde, réservée par le propriétaire pour l'occasion, afin de répondre aux questions de La Presse pendant 25 minutes.