Le gouvernement libéral demandera «d'ici quelques semaines» aux Canadiens de quelle façon il devrait enquêter sur les femmes autochtones disparues ou assassinées, a affirmé la nouvelle ministre des Affaires autochtones et du Nord.

En entrevue à La Presse Canadienne, Carolyn Bennett a indiqué que le début des consultations préalables à l'enquête serait annoncé avant la fin du mois. Les familles des victimes, des représentants des provinces et des territoires ainsi que des organisations communautaires seront alors impliqués dans ce processus préliminaire, a-t-elle précisé lundi.

«Il est important de réunir les familles, mais je crois que nous devrons aussi aller parler aux gens qui ne peuvent venir ici. Il pourrait aussi y avoir un lien internet.»

Ces consultations permettront notamment de définir précisément le mandat de la commission d'enquête et de déterminer le nombre de ses membres, a indiqué la ministre Bennett.

Des experts des questions autochtones - en outre le juge Murray Sinclair, président de la Commission de vérité et réconciliation, qui s'est penchée sur le drame des pensionnaires autochtones - sont aussi d'avis que le gouvernement devra établir très clairement les termes de l'enquête et le calendrier des travaux avant de procéder.

Le militant ojibwé Joan Jack, un avocat à la retraite qui a été candidat à la direction de l'Assemblée des Premières Nations, est un de ceux qui souhaitent que l'on se penche sur les violences observées tant à l'extérieur qu'à l'intérieur des communautés autochtones. Mme Bennett semble très ouverte à cette approche plus globale. «La plupart des gens que j'ai entendus souhaitent un mandat assez large pour se pencher sur ces enjeux complexes», a-t-elle affirmé.

Mme Bennett, qui a été quelques années porte-parole libérale en matière d'affaires autochtones avant de devenir ministre, a eu le temps de tisser des liens étroits avec les membres des Premières Nations. Tant le juge Sinclair que le chef national de l'Assemblée des Premières Nations, Perry Bellegarde, ont d'ailleurs salué la nomination de Mme Bennett aux Affaires autochtones, la semaine dernière.

Ces bonnes relations devraient aider la ministre dans ses fonctions, alors qu'elle amorce un travail complexe, qui sera assurément surveillé de très près. Sa première tâche sera de rétablir un climat de confiance entre le gouvernement et les Autochtones. «Les gens savent, je crois, que je n'ai pas une baguette magique, que ça me prendra un peu de temps avant de faire les choses correctement, a-t-elle admis. Mais ce qu'ils veulent voir rapidement, je pense, ce sont des signes de changement de ton» à Ottawa.

Les relations entre les Premières Nations et le gouvernement fédéral s'étaient détériorées sous le gouvernement de Stephen Harper, surtout pendant les manifestations du mouvement «Idle No More», à l'hiver 2012. Selon Mme Bennett, le changement d'attitude à Ottawa commence «au plus haut échelon», chez Justin Trudeau. «Ce premier ministre est un fervent adepte de la réconciliation: c'est un dossier extrêmement important pour lui et pour le Canada.»

Par ailleurs, les conservateurs eux-mêmes semblent vouloir faire preuve de plus d'ouverture. La ministre Bennett s'est dite ainsi «agréablement surprise» d'apprendre que la chef intérimaire des conservateurs, Rona Ambrose, souhaite appuyer l'idée d'une enquête nationale sur les femmes autochtones disparues ou assassinées, ce que son gouvernement avait toujours écarté. Or, la collaboration de tous les partis sera nécessaire pour que le gouvernement aille rapidement de l'avant, a rappelé la nouvelle ministre.

Dans leur plateforme électorale, les libéraux ont promis de consacrer 40 millions sur deux ans à cette enquête nationale. Ils se sont aussi engagés à éliminer le plafond de 2,0% fixé à la croissance annuelle des budgets alloués aux réserves et aux services offerts spécifiquement aux Premières Nations.