Deux organismes demandent à Ottawa de renoncer au projet du gouvernement conservateur sortant, qui souhaitait permettre la vente à l'Ukraine d'armement canadien dit «prohibé», notamment des fusils automatiques et des véhicules blindés.

Dans une lettre au ministère des Affaires étrangères, Amnistie internationale Canada et l'organisme pacifiste Project Ploughshares soutenaient en juillet dernier qu'il serait mal avisé d'ajouter l'Ukraine à la liste des pays à qui les entreprises canadiennes peuvent vendre des armes automatiques.

Actuellement, 39 pays figurent sur la Liste des pays désignés pour la vente d'armes automatiques, en vertu de la Loi canadienne sur les licences d'exportation et d'importation. General Dynamics Land Systems, de London, en Ontario, vient d'ailleurs de vendre pour 13 milliards de dollars de véhicules blindés à l'Arabie saoudite, malgré l'opposition des organismes de défense des droits de la personne.

L'inclusion d'un pays sur la liste canadienne ne signifie pas que les ventes d'armes sont automatiquement permises: chaque contrat doit ensuite être approuvé par le gouvernement. On ignore par ailleurs ce que fera le nouveau gouvernement libéral de Justin Trudeau dans le dossier ukrainien.

Le ministère des Affaires étrangères mène actuellement des consultations relativement au projet des conservateurs visant l'Ukraine, annoncé l'été dernier à l'époque où le premier ministre Stephen Harper concluait un accord de libre-échange avec son homologue ukrainien, Arseni Iatseniouk.

Certains observateurs estimaient alors que le Canada ouvrait la porte à plus de soutien militaire pour l'ex-république soviétique secouée par un conflit avec la Russie et les Ukrainiens prorusses. Jusqu'ici, le soutien militaire canadien s'est limité à de l'équipement défensif non mortel et à des fournitures médicales.

Violations des droits de la personne

Dans leur lettre du 10 juillet aux Affaires étrangères, dont La Presse Canadienne a obtenu copie, Amnistie internationale Canada et Project Ploughshares soutiennent que la vente d'armes à l'Ukraine devrait être reportée jusqu'à ce que la situation des droits de la personne s'améliore dans ce pays.

Malgré un changement de régime et des réformes au sein de la police, les deux organismes canadiens croient qu'il existe toujours des risques de violations des droits de la personne en Ukraine. Les organismes citent notamment des cas de brutalité policière pour mater des manifestations antigouvernementales à l'automne 2013 - des événements qui ont mené en février 2014 au renversement du gouvernement de Viktor Ianoukovytch.

Les deux organismes canadiens craignent par ailleurs que des armes de fabrication canadienne soient utilisées contre des civils dans le cadre du conflit avec les rebelles prorusses, dans l'est du pays. «Les deux parties dans ce conflit ont violé à plusieurs reprises le droit international humanitaire», écrivent les deux organismes.

«Des personnes ont été enlevées, des prisonniers ont été battus brutalement et soumis à des simulacres d'exécution. Des civils qui n'avaient commis aucun crime, mais qui étaient sympathisants du camp adverse, ont été détenus arbitrairement. Aucun des deux camps n'a pris de mesures raisonnables pour protéger les civils pendant les combats.»

Le nouveau gouvernement à Kiev, dirigé par le président Petro Porochenko, implore Ottawa, Washington et d'autres capitales occidentales de lui procurer de l'armement perfectionné afin de mener la lutte contre les séparatistes prorusses, appuyés par Moscou. L'administration américaine et - dans une moindre mesure - le gouvernement Harper sortant ont jusqu'ici résisté à ces requêtes.

Les élus à Washington et l'état-major américain étaient d'accord le printemps dernier, mais la Maison-Blanche n'a finalement autorisé que l'envoi de véhicules militaires tout-terrain et de drones non armés. Plus récemment, lors du dépôt du budget de la défense, le Congrès a glissé une provision pour autoriser la vente d'équipement mortel à l'Ukraine, mais le président Barack Obama y a opposé son veto.