Élu à la barre d'un gouvernement libéral majoritaire, lundi soir, Justin Trudeau pourra manoeuvrer à sa guise à la Chambre des communes. Il pourra aussi arracher rapidement le contrôle du Sénat des mains des conservateurs.

Car le refus de Stephen Harper de nommer de nouveaux sénateurs, dans la foulée du scandale des dépenses des sénateurs Mike Duffy, Pamela Wallin et Patrick Brazeau, fait en sorte qu'il y a aujourd'hui 22 vacances au Sénat.

M. Trudeau, qui annoncera la composition de son cabinet le 4 novembre et deviendra alors officiellement le 23e premier ministre du pays, pourra pourvoir tous ces postes au cours des prochains mois et s'assurer qu'une majorité de sénateurs d'allégeance libérale appuient son programme législatif au Sénat.

À l'heure actuelle, la Chambre haute compte 47 sénateurs conservateurs, 29 sénateurs libéraux et 7 sénateurs indépendants. Il y a 105 sièges en tout au Sénat.

Même si Justin Trudeau a pris tout le monde par surprise il y a 19 mois en expulsant tous les sénateurs libéraux du caucus libéral (seuls les députés élus font partie du caucus libéral), ces mêmes sénateurs continuent de faire la promotion des idées du Parti libéral. Certains persistent à dire qu'ils demeurent des sénateurs libéraux, mais indépendants du caucus. Mais les sénateurs en question devaient en principe cesser de participer aux campagnes politiques ou aux événements de financement pour le parti.

En annonçant l'exclusion des sénateurs du caucus libéral, en janvier 2014, M. Trudeau avait aussi promis de créer « un comité de sages » qui aurait comme mandat de lui soumettre une liste de candidats à partir de laquelle il pourrait sélectionner les futurs sénateurs.

Pas de liens étroits avec le PLC

Les nouveaux sénateurs qui seraient nommés à partir de cette liste seraient indépendants et ne représenteraient officiellement aucun parti politique à la Chambre haute. Ce seraient des Canadiens au curriculum vitae impressionnant et qui n'ont pas de liens étroits avec le Parti libéral. M. Trudeau n'avait pas exclu l'idée de consulter aussi les provinces - une option qui pourrait plaire au gouvernement du Québec, qui a toujours exprimé le désir d'avoir son mot à dire dans le choix des 24 sénateurs de la province.

Le système bicaméral canadien fait en sorte qu'un gouvernement doit faire adopter tout projet de loi par la Chambre des communes et par le Sénat avant qu'il n'obtienne la sanction royale. Un Sénat dominé par un parti politique différent de celui qui est élu aux Communes peut donc causer de sérieux maux de tête à un chef de gouvernement s'il décide de faire de l'obstruction.

Courriel à TransCanada

Dans son fameux courriel envoyé à des dirigeants de TransCanada une semaine avant le jour des élections, l'ancien coprésident de la campagne libérale, Dan Gagnier, avait d'ailleurs souligné que la nomination de nouveaux sénateurs devrait être l'un des six dossiers auxquels un nouveau premier ministre devrait s'attaquer rapidement.

« Que faire avec le Sénat ? C'est un enjeu qui s'impose pour faire adopter les projets de loi », avait-il affirmé dans son long courriel qui a fait l'objet d'une fuite et qui l'a contraint de quitter ses fonctions de coprésident de la campagne libérale. Pour adopter des projets de loi, il faut toutefois que le Parlement recommence à siéger, ce qui pourrait survenir avant le congé de Noël.

À sa toute première conférence de presse à titre de premier ministre élu, Justin Trudeau a indiqué qu'il entendait se pencher sur ces nominations une fois que son cabinet aurait été constitué et que son gouvernement libéral aurait pris son erre d'aller. Mais il a réitéré sa ferme intention d'éliminer la partisanerie au sein du Sénat.

Le Sénat en chiffres

• Nombre de sièges: 105

• Nombre de sièges vacants: 22

• Sénateurs conservateurs: 47

• Sénateurs libéraux indépendants: 29

• Sénateurs indépendants: 7

• Nombre de sièges: 105

Sénateurs indépendants 

Mike Duffy, Pamela Wallin, Patrick Brazeau, Don Meredith, Pierre-Hugues Boisvenu, Elaine McCoy et Anne Cools. 

Les cinq premiers sénateurs ont été nommés par Stephen Harper. Mme McCoy a été nommée par Paul Martin tandis que Mme Cools a été nommée par Pierre Elliott Trudeau.