Une division de l'ONU demande au Canada de recommencer à lui envoyer de l'argent d'ici quelques jours, à défaut de quoi elle devra fermer des centaines d'écoles au Moyen-Orient et des centaines de milliers d'enfants pourraient devenir des cibles de choix pour le recrutement par des organisations terroristes comme le groupe armé État islamique (EI).

Le secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon, a lancé un appel urgent il y a deux semaines pour un financement international de 100 millions de dollars pour l'Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Moyen-Orient. Sans ce financement, l'Office affirme qu'il ne sera pas en mesure d'entreprendre l'année scolaire dans les quelque 700 écoles qu'il administre, privant environ 500 000 élèves d'éducation.

Lors d'un entretien téléphonique avec La Presse, un porte-parole de l'Office est allé plus loin en demandant directement au Canada de rétablir le financement de quelque 30 millions de dollars que le gouvernement Harper a cessé de fournir à l'organisme entre 2009 et 2012.

«Si le Canada était prêt à rétablir son financement, cela augmenterait de manière significative la possibilité pour nous d'ouvrir nos écoles», a déclaré le directeur des communications stratégiques de l'Office, Christopher Gunness.

À l'inverse, l'obligation de reporter l'année scolaire pourrait avoir des conséquences désastreuses, a affirmé M. Gunness: «Cela signifie qu'au moment où l'EI est en mode de recrutement intensif, il y aura potentiellement 500 000 enfants dans les rues du Moyen-Orient plutôt que dans des écoles des Nations unies.»

Mieux connue par son acronyme anglais UNRWA, l'agence onusienne offre des services de santé, d'éducation et d'aide d'urgence à près de cinq millions de réfugiés palestiniens, dont une majorité se trouve dans des camps de la bande de Gaza, de la Cisjordanie, de la Jordanie, de la Syrie et du Liban. L'organisme y emploie environ 22 000 professeurs dans 700 écoles, dont 245 établissements dans la bande de Gaza et une quarantaine en Syrie.

Le gouvernement Harper a mis un terme en 2009 à sa contribution annuelle d'environ 15 millions de dollars pour le fonds général de l'organisme, qui sert à financer le programme d'éducation. L'autre tranche annuelle de 15 millions, destinée à l'aide d'urgence, a été coupée en 2012.

Ces décisions ont été prises sans fournir d'explications formelles ni de préavis à l'organisme, a précisé M. Gunness.

B'nai Brith Canada, un groupe de défense des intérêts de la communauté juive qui dans le passé a accusé UNRWA de servir de paravent à des organisations terroristes, n'a pas répondu aux questions de La Presse.

Pas d'engagement d'Ottawa

Au bureau du ministre canadien des Affaires étrangères, Rob Nicholson, on a évité hier de s'engager à rétablir le financement ou à répondre à l'appel à l'aide du secrétaire général Ban Ki-moon. La réponse d'une porte-parole a toutefois laissé peu de doutes quant à la possibilité que le gouvernement conservateur change de position.

«Le Canada a actuellement une enveloppe humanitaire substantielle qui appuie les efforts d'organisations en Cisjordanie et dans la bande de Gaza, a déclaré Johanna Quinney. Les efforts de développement canadiens sont centrés sur [ces deux régions], avec des programmes destinés à des secteurs importants tels que la réforme du système judiciaire, la promotion de la croissance durable et la sécurité alimentaire.»

La porte-parole du NPD en matière d'aide internationale a exhorté les conservateurs à venir en aide à l'organisme le plus rapidement possible. «Il y a une contradiction complète au niveau du message et du comportement du gouvernement», a accusé la députée Hélène Laverdière, évoquant le thème de la sécurité et de la lutte contre l'EI qui est martelé par le premier ministre Stephen Harper durant l'actuelle campagne électorale.

Le porte-parole d'UNRWA est du même avis: «Nous travaillons [...] dans des endroits qui bordent Israël et où l'extrémisme est en ascension. Même pour le gouvernement Harper qui appuie Israël à fond, [cette décision] est difficilement justifiable», a tranché M. Gunness.

«Il est surprenant que des gouvernements préfèrent dépenser des milliards sur la défense, plutôt qu'une fraction de ces montants sur le développement humanitaire.»