Le refus des cartes d'identification d'Élections Canada comme pièce d'identité valide aux prochaines élections pourrait empêcher des dizaines de milliers de Canadiens de voter, selon des groupes qui ont plaidé leur cause devant la Cour supérieure de l'Ontario, jeudi.

Le Conseil des Canadiens - une organisation progressiste - et la Fédération canadienne des étudiantes et étudiants souhaitent que le tribunal leur accorde une injonction provisoire pour permettre à Élections Canada de reconnaître la validité des cartes d'identification qui sont envoyées à tous les électeurs par la poste. Cela ne lui est plus permis en vertu de la loi appelée «Loi sur l'intégrité des élections».

Les modifications aux règles ont été adoptées l'année dernière par le gouvernement conservateur à Ottawa. Le gouvernement Harper, disant craindre les fraudes, avait décidé de resserrer les règles d'identification.

Pour voter, les électeurs doivent maintenant avoir en main une pièce d'identité présentant leur photo et leur adresse domiciliaire correspondante ou deux pièces d'identité, l'une avec une photo et l'autre avec l'adresse.

Selon Maude Barlow, directrice nationale du Conseil des Canadiens, des dizaines de milliers de personnes se voient disqualifiées par ce règlement parce qu'elles ne détiennent pas ces deux pièces distinctes.

Les deux groupes ont aussi déposé une contestation constitutionnelle de la loi, affirmant qu'elle porte atteinte à la Charte des droits et libertés. Cette cause ne sera toutefois pas entendue avant les élections prévues au mois d'octobre. Les organisations demandent donc une injonction pour intervenir maintenant en vue des prochaines élections.

L'avocat Steven Shrybman a plaidé que l'exclusion de la carte d'Élections Canada allait compliquer le processus pour plusieurs populations, dont les jeunes, les aînés vivant dans des résidences spécialisées, les étudiants qui se déplacent beaucoup, les itinérants et les membres des Premières Nations.

Le ministre de la Réforme démocratique, Pierre Poilievre, a indiqué que les Canadiens pouvaient choisir parmi les 39 pièces d'identité réglementaires, qui sont «accessibles facilement», a-t-il souligné dans un communiqué.

«Une jeune personne qui a quitté la maison, un aîné qui n'a plus de permis de conduire, un aîné qui est en résidence (n'ont pas ces pièces). Je connais personnellement beaucoup de gens qui n'auraient pas accès à ces pièces d'identification», a tonné Mme Barlow.

Mis à part le permis de conduire, très peu de pièces d'identité sont munies d'une photo, a souligné M. Shrybman. Selon lui, les cartes d'identité constituent le système le plus simple, puisque tous les électeurs sur la liste reçoivent un document sans qu'ils n'aient à présenter une preuve.

«Ça ne pourrait pas être plus facile que ça. La responsabilité du gouvernement est de faciliter et non pas d'entraver le vote», a-t-il ajouté.

L'Association des libertés civiles de la Colombie-Britannique s'est jointe au comité et interviendra en cour pour dénoncer les nouveaux règlements.  «Perdre l'occasion de voter cause un tort irréparable», a déploré l'avocat Brendan van Niejenhuis.

Quelque 400 000 Canadiens ont utilisé ces cartes au dernier scrutin de 2011 dans le cadre d'un projet-pilote du Bureau du directeur général des élections (DGE), qui voulait d'ailleurs étendre le programme dans tout le pays. Or, le gouvernement a plutôt choisi de resserrer les règles pour une première fois en 2007, puis en 2014.

«Nous n'avons aucun exemple des gens qui se sont présentés aux bureaux de scrutin en faisant semblant d'être quelqu'un d'autre», a soutenu M. Shrybman.

Le gouvernement fédéral fournira ses arguments contre l'injonction en cour, ce vendredi.