L'opposition néo-démocrate a demandé lundi au gouvernement Harper de donner davantage de temps aux Haïtiens et aux Zimbabwéens menacés de déportation à la suite de la levée du moratoire sur les sans-statut, dont la plupart sont arrivés au Canada à la suite du séisme de 2010 et de leur ouvrir la résidence permanente.

«La solution, elle passe par l'ouverture d'une voie privilégiée vers la résidence permanente pour tous ceux qui sont arrivés ici à la suite du séisme (de janvier 2010 en Haïti)», a déclaré la porte-parole néo-démocrate en matière d'immigration, Lysane Blanchette-Lamothe, lors d'une conférence de presse, lundi, au Bureau de la communauté haïtienne de Montréal.

La levée du moratoire, annoncée en décembre dernier, entrait en vigueur ce lundi, 1er juin, et la députée de Pierrefonds-Dollard a souligné que la plupart des quelque 3200 personnes touchées n'ont pas encore terminé de préparer leurs demandes.

Le NPD demande donc un sursis de trois mois et de les accepter comme résidants permanents plutôt que de leur imposer la lourde procédure qui accompagne une demande d'accueil pour des raisons humanitaires.

La réponse - négative - du gouvernement Harper n'a pas tardé à venir, sous la forme d'un communiqué envoyé à La Presse Canadienne par le bureau du ministre de l'Immigration Chris Alexander, dans lequel on souligne que «la suspension temporaire des renvois a été prolongée plus d'une quinzaine de fois» au cours des 10 dernières années.

«La période supplémentaire de 6 mois pour faire une demande d'immigration, se terminant aujourd'hui (lundi 1er juin), était un délai raisonnable pour les Haïtiens et Zimbabwéens qui désiraient sérieusement faire du Canada leur pays de résidence permanente», indique le communiqué, envoyé dans les heures suivant la conférence de presse.

Toutefois, le milieu communautaire réfute cette affirmation. «Quand c'est pour cause humanitaire, c'est beaucoup plus compliqué et beaucoup plus long», explique Ninette Piou, du Collectif des organismes communautaires haïtiens. La demande implique, dit-elle, de justifier sa présence ici, justifier son intégration, retracer chaque activité faite depuis son arrivée au Québec et, une fois toutes ces données recueillies, rencontrer des gens dans les organismes communautaires pour obtenir de l'aide afin de remplir le dossier.

Mme Piou précise qu'il faut en moyenne 20 heures de travail à un organisme communautaire pour monter un dossier. À 3200 demandeurs, cela implique 64 000 heures de travail communautaire. «Ça n'a pas d'allure, lance-t-elle. S'ils veulent absolument passer par la voie humanitaire, il faut donner le temps pour réussir à constituer le dossier».

La réponse transmise par le bureau du ministre Alexander vient donc fermer la porte non seulement à la demande de l'opposition néo-démocrate, mais offre aussi une fin de non recevoir à la ministre québécoise de l'Immigration, Kathleen Weil, et au maire de Montréal, Denis Coderre, qui avaient également réclamé un sursis pour les sans statut haïtiens.

Dans un communiqué distribué lors de la conférence de presse, le Comité d'action des personnes sans statut ne s'est pas privé de dénoncer ce mutisme: «Les personnes sans statut sont inquiètes, impatientes et déroutées par l'inaction et l'insensibilité incompréhensible du premier ministre Stephen Harper.»

Le député de Rosemont-La Petite Patrie, Alexandre Boulerice, a pour sa part dit trouver aberrant que le gouvernement fédéral veuille renvoyer des Haïtiens chez eux alors qu'il conseille lui-même aux voyageurs canadiens de faire preuve d'une grande prudence dans ce pays.

«C'est bien la preuve que, même pour le gouvernement fédéral, Haïti est un pays qui demeure dangereux, où il peut y avoir de la criminalité, des gestes de violence.»

Nicole Mauvais-Laurent, qui est arrivée au Canada après le séisme de janvier 2010 et qui est sujette à être déportée, ne se voit pas retourner chez elle.

«Nous, quand on va arriver là-bas du Canada, ils vont penser qu'on a beaucoup d'argent. C'est pour ça que je demande au gouvernement, s'il vous plaît, ayez le coeur de faire quelque chose pour nous. Parce que pour moi, retourner en Haïti, peut-être je vais vivre, ou peut-être pas parce que ce n'est pas sécuritaire.»

Mme Mauvais-Laurent a fait valoir qu'elle travaille depuis son arrivée ici, qu'elle paie des impôts et qu'elle consacre la majeure partie de ses revenus à l'éducation universitaire de ses enfants qui sont toujours en Haïti et pour qui elle entretient de nombreuses craintes.

«Ma fille là-bas n'est pas en sécurité quand elle marche dans la rue. Même pour aller à l'école; elle avait un cours le soir et je lui ai dit de le changer parce que c'est trop dangereux.»

Tous les intervenants jusqu'ici soulignent que les Haïtiens sans statut se trouvent au Québec depuis plusieurs années maintenant, qu'ils travaillent, que plusieurs ont eu des enfants et qu'il s'agit de personnes déjà bien intégrées dans la société québécoise.