Des militants contre l'utilisation de bombes à fragmentation affirment que le Canada devrait faire pression publiquement auprès de l'un de ses alliés, l'Arabie saoudite, pour qu'il cesse d'utiliser ces munitions interdites.

Un rapport de l'organisme Human Rights Watch (HRW) publié plus tôt ce mois-ci révélait que le royaume saoudien utilisait ce type de bombes dans sa campagne de tirs aériens contre les rebelles chiites au Yémen.

Le Canada et l'Arabie saoudite font partie de la coalition internationale des États-Unis qui mène des frappes aériennes contre le groupe armé État islamique en Syrie.

Steve Goose, de Human Rights Watch, plaide que le Canada a l'obligation légale en vertu du droit international de dénoncer l'utilisation de ces bombes parce qu'il a ratifié le traité des Nations unies qui bannit ces munitions.

«Ils auraient pu entamer des démarches, ou quelque chose», a souligné M. Goose, mentionnant par exemple les pourparlers diplomatiques en coulisses qui sont courants sur le plan international. Cependant, même de telles approches timides n'auraient pas été suffisantes, selon lui.

«Dénoncer publiquement est la meilleure manière de le faire parce que c'est comme ça qu'on marginalise ces bombes. C'est comme ça qu'on suscite l'indignation et c'est la meilleure façon de dissuader leur utilisation», a-t-il plaidé.

M. Goose affirme que d'autres pays ont osé dénoncer publiquement l'Arabie saoudite, dont le Costa Rica - qui assume la présidence tournante de la convention sur les armes à sous-munition - et la Norvège, qui avait joué un rôle important dans sa création.

Une réaction du ministère des Affaires étrangères a été envoyée par courriel, lundi. Le communiqué affirme que le Canada saisirait les occasions de «décourager l'utilisation de bombes à fragmentation par les États qui ne font pas partie de la convention».

La déclaration ne disait pas directement si le Canada avait mentionné le rapport de Human Rights Watch aux autorités saoudiennes.

«Nous allons continuer de collaborer avec l'Arabie saoudite sur plusieurs enjeux, dont la sécurité régionale et les droits civils», est-il écrit.

Paul Hannon, le directeur général de l'organisme Mine action Canada croit aussi que le Canada devrait user de son pouvoir d'influence auprès de ses partenaires.

«Historiquement, l'utilisation des bombes à fragmentation a résulté 94 pour cent du temps à des pertes civiles. Si nous voulons amener de la stabilité dans la région, personne ne devrait utiliser (ces) munitions», a-t-il expliqué.

Une seule bombe à déflagration contient des centaines de sous-munitions qui, généralement, n'explosent pas dans l'immédiat. Elles restent potentiellement dangereuses pour des décennies, mettant en danger les civils, dont les enfants.

Le gouvernement Harper a été critiqué à maintes reprises pour avoir tenté de saboter le traité, qu'il a finalement ratifié après six ans d'attente en mars 2015. Des organismes, dont la Croix-Rouge, lui avaient notamment reproché de vouloir profiter d'un vide juridique dans le texte qui aurait permis aux troupes canadiennes d'utiliser ces bombes dans des opérations conjointes avec les États-Unis - qui n'ont pas ratifié le traité.

M. Goose se réjouit que le Canada ait accepté de ratifier le traité tel qu'il est, mais Human Rights Watch surveille attentivement le Canada pour que ses dispositions soient dûment appliquées.

«Nous ne croyons pas que le Canada profitera de cet échappatoire juridique - il ne devrait jamais,  puisqu'il pourrait ainsi enfreindre la convention», a-t-il conclu.