Le gouvernement Harper veut mettre en place de nouvelles règles pour travailler exclusivement avec des entreprises éthiques, mais selon certains experts, cette nouvelle politique pourrait avoir pour effet de diminuer le nombre de soumissionnaires déjà assez bas dans le secteur de la défense.

Le ministre des Finances Joe Oliver a présenté cette proposition controversée dans son budget, déposé mardi à la Chambre des communes. Le nouveau système sera transparent, rigoureux et cohérent et sera implanté «pour s'assurer que tous les fournisseurs aient accès à un processus équitable», est-il écrit dans le document budgétaire.

Or, cette nouvelle pratique suscite l'inquiétude de plusieurs acteurs de l'industrie de la défense.

Le ministère des Travaux publics travaillait vraisemblablement depuis des mois sur ces nouvelles règles pour resserrer les lois déjà sévères contre la corruption. Des entreprises multinationales - dont Siemen AG et Hewlett-Packard - pourraient se voir interdire de présenter des soumissions au gouvernement fédéral.

Le porte-parole de la ministre responsable Diane Finley a indiqué que les préoccupations du secteur seraient entendues. «Le ministère des Travaux publics consulte plusieurs associations de l'industrie et leur rétroaction sera considérée avant de prendre une décision», a écrit Marcel Poulin.

Le gouvernement a aussi embauché un expert indépendant en matière d'éthique pour que les discussions soient «équilibrées». Il s'agit d'un processus long qui pourrait bien ne pas se terminer avant les prochaines élections du mois d'octobre.

Alan Williams, ancien chef des acquisitions au ministère de la Défense, se demande pourquoi le gouvernement souhaite faire un tel coup d'éclat alors qu'il pourrait simplement écrire des nouvelles directives dans les demandes de soumission. Il croit plutôt qu'il pourrait s'agir de changements esthétiques en vue du prochain rendez-vous électoral.

M. Williams a remarqué que cette politique pourrait avoir des conséquences importantes dans le secteur de la défense, alors que ses gros joueurs ont dû faire face à des allégations de corruption à l'étranger.

«Pour les systèmes d'armement avancés, il n'y a pas beaucoup de soumissionnaires dès le départ. Comment définit-on une (entreprise) éthique? Si une société importante commet quelque chose en Europe, il y a un scandale dans son bureau européen, qui n'a rien à voir avec l'Amérique du Nord. Est-ce qu'il s'agit d'un critère pour refuser les soumissions en Amérique du Nord?», a-t-il soulevé.

Il ne s'agit pas que d'une question hypothétique. Par exemple, l'année dernière, le groupe Airbus a fait l'objet d'une enquête de procureurs allemands en lien avec des allégations de corruption en Arabie saoudite et en Roumanie.

M. Williams reconnaît que personne n'est intéressé à travailler avec des entreprises fautives, mais ce nouveau système compliquerait encore davantage ce processus de contrat déjà assez complexe, selon lui.

«Cela sonne bien, cela fait une belle phrase-choc (...) Mais il serait potentiellement difficile de le mettre en place», a-t-il conclu.

Un porte-parole de l'Association des industries canadiennes de défense et de sécurité n'a pas voulu commenter la nouvelle proposition du gouvernement.