Les plus dangereux criminels du Canada doivent «poussent leur dernier soupir» derrière les barreaux, a plaidé le ministre fédéral de la Justice en décrivant son projet de loi sur les peines à perpétuité.

Peter MacKay a déposé mercredi le projet de loi C-53, qui s'appliquerait aux individus reconnus coupables de haute trahison et des crimes «les plus graves», incluant le meurtre prémédité d'un policier ou d'un agent correctionnel et les meurtres associés au terrorisme ou à des enlèvements.

Son adoption ferait en sorte «que le système de justice pénale condamne vigoureusement le crime le plus odieux qui puisse être commis par l'imposition d'une peine d'emprisonnement à vie sans possibilité de libération conditionnelle», a exposé le ministre.

«Pendant trop longtemps, le bien-être des criminels a été érigé comme la priorité principale de notre système de justice criminelle. Cela a changé avec l'élection d'un gouvernement conservateur», a-t-il poursuivi en point de presse après avoir présenté C-53 en Chambre.

Son adoption permettrait de s'assurer que les plus dangereux criminels «pousseront leur dernier soupir» derrière les barreaux, a plaidé M. MacKay.

Il a nié que cela équivalait au rétablissement d'une forme de peine de mort - à petit feu - au Canada.

«Absolument pas. Écoutez, le parlement a pris la décision d'abolir, je crois, en 1976, d'abolir la peine de mort (...) Ceci n'est pas une façon de revisiter de la peine capitale», a-t-il soutenu.

Les personnes reconnues coupables des crimes édictés dans le projet de loi, appelé en anglais «Life means life», ne pourraient désormais sortir de prison avant 35 ans au lieu de 25.

Et le dernier mot ne reviendrait plus à la Commission des libérations conditionnelles du Canada, mais bien au gouvernement, sur la recommandation du ministre de la Sécurité publique.

Selon M. MacKay, cela respecte le principe d'imputabilité des politiciens, qui ont été élus par la population pour prendre ce type de décision.

Cet aspect du projet de loi est accueilli avec une bonne dose de scepticisme par les deux partis d'opposition, qui craignent de leur côté du respect d'un autre principe - celui de la séparation des pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire.

«Ça m'inquiète. Je pense que c'est dangereux de remplacer les commissaires des libérations conditionnelles par le cabinet», a résumé le porte-parole libéral en matière de justice, Sean Casey.

Le Nouveau Parti démocratique (NPD) abonde dans le même sens, et se demande si les mesures contenues dans C-53 sont vraiment nécessaires.

«Si vous demandez aux experts, si vous regardez le système judiciaire actuel au Canada, le pouvoir pour les juges de déclarer quelqu'un délinquant, dangereux couvre déjà ces situations-là», a rappelé mercredi le chef néo-démocrate Thomas Mulcair.

Par ailleurs, le gouvernement a déjà serré la vis aux criminels en légiférant pour instaurer des peines consécutives en cas de meurtres multiples, a souligné Sean Casey en entrevue téléphonique en fin de journée, mercredi.

«Le système qu'on a en ce moment permet de garder en prison les pires délinquants», a-t-il soutenu à l'autre bout du fil.

«Justin Bourque, par exemple, sera en prison jusqu'à l'âge de 99 ans», a-t-il illustré en faisant référence à la sentence de 75 ans dont a écopé celui qui a abattu trois agents de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) au Nouveau-Brunswick en juin 2014.

Le projet de loi C-53 donne suite à une promesse faite par le premier ministre Stephen Harper lors du discours du Trône en 2013.

Le chef conservateur et le ministre MacKay avaient annoncé son dépôt imminent lors d'une annonce faite il y a exactement une semaine à Scarborough, dans la région de Toronto.

Le moment choisi pour présenter le projet de loi fait sourciller l'opposition - après tout, les parlementaires n'en ont plus que pour environ dix semaines à siéger d'ici les vacances d'été... et les élections générales.

«Il s'agit davantage de Stephen Harper qui fait de la politique que d'un véritable enjeu (...) Ça c'est la stratégie de Stephen Harper à l'aube des élections», a tranché M. Mulcair en point de presse.

Le ministre MacKay n'a pu préciser, en point de presse, combien de criminels se trouvant actuellement derrière les barreaux auraient goûté à la nouvelle médecine que prévoit le projet de loi.

«On parle de dizaines, par de centaines. On parle d'une catégorie très restreinte», a-t-il offert, précisant au passage que le projet de loi n'était pas rétroactif.

M. MacKay n'a pas non plus été en mesure de préciser quel impact cette nouvelle mesure pourrait avoir sur les coûts du système de justice, ni sur le climat dans les pénitenciers - selon certains experts, la perte de tout espoir de libération peut avoir des conséquences importantes sur le comportement d'un détenu.