La Presse Canadienne a obtenu plus de renseignements au sujet des allégations de mauvaise conduite à l'égard de deux élues néo-démocrates qui ont amené le chef du Parti libéral du Canada, Justin Trudeau, à suspendre de son caucus les députés Massimo Pacetti et Scott Andrews.

Une des deux députées a affirmé avoir eu une relation sexuelle «sans consentement explicite» avec M. Pacetti dans la chambre d'hôtel où celui-ci logeait à Ottawa.

Lors d'une longue entrevue avec La Presse Canadienne, mardi, la femme a indiqué qu'elle serait prête à participer à une enquête de la Chambre des communes «si c'est réellement indépendant et confidentiel», mais estime que la façon dont elle doit procéder n'est pas claire.

La députée refuse que son identité soit rendue publique et ne veut pas porter plainte à la police de crainte que cette affaire ait un impact à long terme sur sa vie et celle des membres de sa famille.

«Ce n'est pas une question de honte. C'est une question qu'à partir du moment où ton nom est public, et avec la façon dont les médias fonctionnent aujourd'hui, tu ne t'en sors jamais, a affirmé la députée. Peut-être dans plusieurs années, si j'ai des enfants, ils vont trouver ça en lisant sur Internet, et je vais être obligée d'en parler à mes enfants. En disant ton nom, tu perds absolument tout contrôle de quand ça va revenir.»

Son histoire, qu'elle a décidé de partager pour avoir l'impression d'en reprendre le contrôle, s'inscrit dans une série de nouvelles informations qui ont émergé au sujet des allégations explosives que deux députées néo-démocrates ont formulées en privé contre deux collègues libéraux.

Ces allégations, qui n'ont pas été prouvées, ont poussé le chef Justin Trudeau à suspendre du caucus les députés de Saint-Léonard-Saint-Michel et d'Avalon plus tôt en novembre, en invoquant des «fautes personnelles graves».

Dans le cas impliquant Massimo Pacetti, la députée affirme que son collègue libéral et elle ont participé à un événement sportif ensemble en mars. Elle considérait ce député francophone du Québec comme un ami.

Après avoir passé une soirée en groupe dans un bar, la néo-démocrate affirme que M. Pacetti l'a invitée à prendre un dernier verre dans sa chambre d'hôtel.

Arrivée dans la chambre, elle raconte s'être assise sur une chaise alors que M. Pacetti s'est assis sur le lit. À un certain moment, il a tapoté sur le lit à côté de lui en lui demandant de venir s'asseoir à ses côtés.

«À ce moment-là j'ai fait comme »non, regarde, je suis bien dans ma chaise. Ça va comme ça«. Puis, j'ai été aux toilettes pour essayer de trouver une solution», a-t-elle raconté.

En retournant à la chaise où elle avait laissé son sac, elle allègue que le député libéral l'a «agrippée». La néo-démocrate ne donne pas beaucoup de détails sur ce qui s'est passé ensuite. «J'ai gelé. J'ai comme bloqué un peu. Puis il y a eu une relation sexuelle sans que je donne le consentement explicite à cette relation-là.»

La femme, qui a indiqué avoir déjà été victime d'une agression sexuelle violente auparavant, affirme s'être sentie «utilisée» par Massimo Pacetti. «Je me suis sentie comme s'il y avait eu une absence totale de considération sur toute la ligne», a-t-elle dit.

Au cours d'une rencontre confidentielle avec les whips libérale et néo-démocrate, Judy Foote et Nycole Turmel, cette élue a admis ne pas avoir explicitement refusé les avances de son collègue, et avoir fourni un condom avant la relation sexuelle, ont confié diverses sources à La Presse Canadienne. Dans l'entrevue, la femme a refusé de commenter ces informations.

La députée affirme avoir pris «un certain temps de repos» après cette affaire et avoir consulté un thérapeute. «Ça a pris trois jours avant que j'arrête d'avoir mal à chaque fois que je m'assoyais», se souvient-elle.

La députée estime-t-elle avoir été violée?

«Au niveau légal, je ne sais pas trop exactement. J'aime mieux juste parler de relation sexuelle sans consentement explicite.»

Dans un courriel transmis mardi, M. Pacetti a encore une fois maintenu son innocence. Selon lui, il n'existe aucun moyen pour évaluer la véracité des allégations. Il croit que l'affaire devrait être étudiée de façon confidentielle par un tiers indépendant, comme l'a proposé le président de la Chambre des communes.

«Cela me trouble que la plaignante ait choisi de rendre publiques ces allégations. C'est inconsistant avec les déclarations de son entourage demandant que l'intimité et l'équité de tous soient respectées par toutes les parties», a écrit M. Pacetti.

Le député a conclu sa missive en réitérant son innocence et en affirmant qu'il ne fera plus de commentaires à ce sujet dans les médias.

La présumée victime aurait raconté de son histoire à M. Trudeau peu avant les funérailles du caporal Nathan Cirillo, le mois dernier. Plusieurs sources ont affirmé qu'elle en aurait profité pour faire part de son inquiétude au sujet d'une autre situation concernant sa collègue et le député Andrews.

Il y aurait eu deux rencontres séparées avec les whips. L'élue dit être «vraiment rentrée dans tous les détails concrets» tout en faisant savoir clairement qu'elle ne voulait pas que son histoire soit dévoilée dans les médias. «Tout ce que j'ai dit, c'est que j'aimerais ça s'ils sont capables de faire enquête pour savoir s'il y a eu d'autres victimes de la part de deux même personnes ou si, dans le fond, il y a d'autres comportements inappropriés venant de ces deux personnes-là. Ce qu'on m'a dit aussi, c'est que c'est très difficile de faire enquête.»

Le cas Andrews

Des sources connaissant les plaintes des deux élues néo-démocrates ont dit à La Presse Canadienne que l'autre incident impliquant prétendument M. Andrews et l'autre députée est survenu après une rencontre sociale au Parlement. L'élue, MM. Andrews et Pacetti seraient allés au bureau du député québécois où ils auraient bu du vin. M. Pacetti aurait quitté les lieux, laissant seuls les deux autres personnes.

Selon les sources, la femme soutient que M. Andrews l'a suivie, est entré chez elle en force, l'a poussée contre un mur, l'aurait pelotée avant de l'étreindre contre son bassin. Elle lui aurait alors ordonné de s'en aller, ce qu'il aurait fait.

Les sources disent que la femme accuse M. Andrews de l'avoir ensuite verbalement harcelée à plusieurs reprises, la traitant en terme cru d'aguicheuse.

M. Andrews a lui aussi nié les allégations; les sources affirment toutefois que le député d'Avalon n'a pas encore donné une version détaillée de sa réfutation.

Par courriel, l'avocat de M. Andrews, Chris MacLeod, a indiqué que le député, n'ayant obtenu «ni aucun compte-rendu interne détaillé ni aucune précision du caucus libéral», n'est pas en mesure de répondre à des accusations indéterminées.

«Toute allégation de mauvais comportement de sa part est fausse. Tout reportage à ce sujet sera considéré comme de la diffamation de votre part et de votre rédaction», a-t-il menacé.

Du côté de la présidence de la Chambre des communes, on a indiqué que les «ressources de l'administration de la Chambre ainsi que l'expertise provenant de l'extérieur» ont été offertes aux deux femmes.

La première députée a dit «qu'à l'heure actuelle, on ne sait même pas exactement comment s'y prendre; quand on arrive au comment ça marche concrètement (...), on ne sait même pas comment faire si on voudrait en bénéficier ou y participer.»

La deuxième femme n'a pas voulu parler à La Presse Canadienne. Les députés Pacetti et Andrews ont aussi rejeté les demandes d'entrevue.