La Chambre des communes ne pourra lancer d'enquête en bonne et due forme sur les allégations de harcèlement sexuel qui ont mené à la suspension de deux députés libéraux tant et aussi longtemps que les présumées victimes, deux députées du NPD, ne déposeront pas de plainte formelle.

Or, les deux présumées victimes ne voulaient pas que cette affaire soit rendue publique, même si l'une des députées du NPD a choisi d'informer le chef du Parti libéral Justin Trudeau des événements, alors qu'il assistait aux funérailles du caporal Nathan Cirillo, la semaine dernière à Hamilton.

C'est après cette conversation que M. Trudeau a demandé au whip de son caucus, la députée Judy Foote, de rencontrer les deux députées du NPD en compagnie la whip du NPD Nycole Turmel, afin d'obtenir leur version des faits, ce qui a été fait deux jours plus tard.

«Fautes personnelles»

Jugeant les allégations suffisamment sérieuses, M. Trudeau a ensuite annoncé, mercredi, qu'il suspendait les deux députés libéraux en question, Massimo Pacetti et Scott Andrews, pour avoir commis «des fautes personnelles» envers deux collègues d'un autre parti. M. Trudeau a aussi suspendu leur candidature libérale en prévision des prochaines élections, prévues dans 11 mois.

MM. Pacetti et Andrews ont nié les allégations et déclaré vouloir collaborer avec les autorités qui mèneront une enquête dans cette affaire.

Mais il est possible qu'il n'y ait jamais d'enquête ni par les autorités de la Chambre des communes ni par les autorités policières, si les deux présumées victimes ne déposent pas de plainte formelle. Selon des informations obtenues par La Presse, hier, les deux députées du NPD n'ont pas exprimé l'intention de porter plainte jusqu'ici. Leur identité n'a d'ailleurs pas été divulguée.

«S'il n'y a pas de plainte, il ne peut y avoir d'enquête», a confirmé une source de la Chambre des communes, préférant garder l'anonymat, compte du climat qui règne sur la colline parlementaire dans la foulée de la décision de Justin Trudeau de suspendre les deux députés libéraux.

Quel recours auront MM. Pacetti et Andrews pour répondre aux allégations formulées contre eux? Cette question demeurait entière, hier soir, même au Parti libéral.

Une source libérale a rappelé que l'objectif de M. Trudeau était de faire en sorte que la Chambre des communes se dote d'une politique sur le harcèlement et adopte des moyens pour enquêter sur de tels cas.

Le Bureau de régie interne, un comité parlementaire composé des députés de toutes les formations politiques reconnues aux Communes, se réunira le 25 novembre afin de discuter de ce délicat dossier. Mais il devra se contenter de discuter des politiques pour de futurs cas de harcèlement, et non pas se pencher sur les événements de cette semaine, si les présumées victimes refusent de porter plainte.

Le NPD en colère

Le NPD a accusé le chef libéral Justin Trudeau d'avoir infligé de nouvelles blessures aux victimes possibles en dévoilant cette affaire sans leur consentement. Encore hier, plusieurs députées néo-démocrates exprimaient leur colère devant la tournure des événements.

«Le droit de dévoiler publiquement un geste de harcèlement n'appartient qu'aux victimes», a affirmé la députée néo-démocrate de Gatineau, Françoise Boivin, sur son compte Twitter.

«Elles voulaient que cela reste privé. Nous avons respecté cela. Nous n'avons pas tenu de conférence de presse. Nous les avons écoutées et leur avons offert de l'aide à la place», a déclaré la chef adjointe Megan Leslie

Au moins une ministre du gouvernement Harper, Lisa Raitt, a fait écho aux propos du NPD. «Cela peut être difficile de trouver sa voix pour parler d'une injustice personnelle. Se faire sortir du placard quand tu le fais n'est d'aucune aide», a affirmé la ministre des Transports sur son compte Twitter.