Même s'il avait promis de ne plus le faire, le gouvernement Harper dépense toujours des fonds publics pour des publicités annonçant des mesures qui n'ont pas encore été adoptées par le Parlement.

Les Canadiens peuvent entendre depuis quelques jours à la radio des messages publicitaires dans lesquels le gouvernement fait la promotion du fractionnement des revenus et de modifications à la Prestation universelle pour la garde d'enfants, des mesures annoncées jeudi dernier par le premier ministre Stephen Harper. Le message publicitaire radio se termine par une brève allusion au fait que ces mesures doivent d'abord être adoptées par le Parlement.

La majorité conservatrice a fait voter la semaine dernière aux Communes une «motion de voies et moyens» qui prévoit l'adoption des nouvelles mesures fiscales, mais le sceau législatif ne sera apposé que l'an prochain. «D'autres étapes législatives sont bien sûr nécessaires - probablement dans la première loi sur la mise en oeuvre du budget en 2015 - pour fixer dans la loi (...) les détails du nouveau code des impôts», convenait cette semaine l'influent ministre Jason Kenney, alors que le projet de loi sur la mise en oeuvre du budget faisait l'objet d'un premier vote aux Communes. «Mais il s'agit simplement de l'autorisation requise par la loi pour procéder à des modifications au régime fiscal, afin d'offrir ensuite des baisses d'impôt.»

Cette subtilité syntaxique s'explique peut-être par les antécédents des conservateurs en matière de publicités gouvernementales. L'an dernier, l'organisme national sans but lucratif Les normes canadiennes de la publicité avait conclu que les annonces du gouvernement Harper pour son nouveau programme de subventions à l'emploi - parrainé par le ministre Kenney - étaient trompeuses parce qu'elles faisaient la promotion d'un plan qui n'avait pas encore été négocié avec les provinces ni formellement adopté au Parlement. Ces publicités comportaient pourtant un avis précisant que le Plan d'action économique était sujet à l'approbation du Parlement.

L'organisme de surveillance des normes publicitaires avait reçu des plaintes de Canadiens concernant cette campagne de 2,5 millions $ sur le Plan d'action économique, et le gouvernement a finalement promis de ne plus recommencer.

Le directeur exécutif de l'organisme Canadiens pour une fiscalité équitable, Dennis Howlett, soutient que le gouvernement ne devrait pas dépenser des fonds publics pour faire la promotion de mesures qui font encore l'objet de débats partisans aux Communes. «Nous constatons qu'ils le font sans arrêt. Le danger, c'est que les Canadiens en sont venus à accepter ce procédé.»

Le député libéral ontarien David McGuinty qualifie ces campagnes publicitaires d'utilisation abusive des fonds publics, qui n'existaient pas avant l'arrivée des conservateurs à Ottawa. «En termes clairs, compris par la plupart des Canadiens: c'est de la triche!», a-t-il soutenu.

Un fonctionnaire au ministère des Finances, David Barnabé, n'a pu indiquer le coût de ces campagnes sur les nouvelles mesures fiscales, se contentant de préciser que ces sommes seront incluses dans le prochain rapport annuel de publicités. Le plus récent rapport annuel, couvrant l'année financière 2012-2013, n'a été publié qu'en février 2014.

Le gouvernement Harper est l'objet de critiques depuis des années pour avoir dépensé des dizaines de millions de dollars en messages publicitaires aux accents jovialistes vantant les mérites de ses plans d'action économique sans toutefois offrir d'informations pratiques aux citoyens, si ce n'est que pour témoigner de l'importance d'une économie canadienne robuste.

Actuellement, trois importantes campagnes fédérales sont diffusées à la télévision, en plus de celle entendue à la radio sur les mesures fiscales. Dans la première, le ministère des Anciens Combattants, qui vient de fermer des comptoirs de services, dépense 5 millions $ pour vanter son travail auprès des vétérans. La deuxième campagne, qui coûte 5,5 millions $, vise à combattre la consommation de drogues illicites, et la troisième, au coût de 7,2 millions $, fait la promotion du 150e anniversaire de la fédération canadienne en 2017.