Les réseaux de télévision, les associations de journalistes et les partis de l'opposition s'élèvent contre l'intention du gouvernement Harper de modifier la Loi sur le droit d'auteur afin d'octroyer aux partis politiques le droit d'utiliser, sans même verser un sou, du contenu journalistique dans leurs publicités.

Traînant dans les sondages nationaux derrière les libéraux de Justin Trudeau depuis 18 mois, les conservateurs semblent déterminés à prendre les moyens d'attaquer la crédibilité du jeune chef libéral à un an des prochaines élections fédérales. Jusqu'ici, les offensives publicitaires menées par le Parti conservateur contre M. Trudeau au cours des derniers mois n'ont pas réussi à réduire l'avance des libéraux dans la faveur populaire.

Non seulement les partis politiques auraient le droit d'utiliser le contenu journalistique gratuitement dans leurs publicités, mais les médias ne pourraient refuser de les diffuser sur leurs ondes durant une campagne électorale, selon les modifications à l'étude obtenues par le réseau CTV mercredi soir. Le Parti conservateur a déjà utilisé des extraits d'entrevues controversés de M. Trudeau à des réseaux de télévision dans ses publicités.

S'il a refusé hier de confirmer les informations selon lesquelles le gouvernement conservateur compte insérer de telles modifications dans un projet de loi omnibus en novembre visant à mettre en oeuvre certaines mesures budgétaires, le premier ministre Stephen Harper a laissé planer peu de doutes qu'il souhaite ajouter de nouvelles flèches à son carquois pour renverser la tendance favorable aux libéraux.

« Nous sommes d'avis que la loi actuelle est telle que ce matériel est déjà disponible et circule librement. Je crois que les gens s'attendent à y avoir accès et nous croyons que cela est permis par la loi. Évidemment, je serais préoccupé par toute tentative qui viserait à censurer ou à bloquer ce genre d'information du public », a affirmé M. Harper, de passage hier à Whitby, en Ontario, pour annoncer une hausse du crédit d'impôt pour la condition physique des enfants.

Aux Communes, la ministre du Patrimoine, Shelly Glover, est allée plus loin. « Le grand public veut que les politiciens rendent des comptes quant à ce qu'ils font et à ce qu'ils disent en public. Les grands réseaux de télévision ne devraient pas avoir le droit de déterminer ce qui peut ou ne peut pas être utilisé pour les Canadiens. Nous croyons que cela a toujours été protégé en vertu de l'utilisation équitable dans la loi. Si plus de certitude est nécessaire, nous allons la fournir », a dit la ministre.

Les velléités du gouvernement Harper de modifier ainsi la Loi sur le droit d'auteur ont été vertement critiquées.

LES MÉDIAS INQUIETS

La présidente de la Tribune de la presse parlementaire canadienne, Laura Payton, a affirmé que cela pourrait compromettre la qualité du travail des journalistes. « Les journalistes rapportent les faits et tiennent compte du contexte pour assurer l'équilibre de leurs reportages. Les publicités politiques, surtout pendant les campagnes électorales, sont partiales par nature. Or, permettre aux partis politiques d'utiliser des reportages de manière sélective va à l'encontre de la neutralité que nous nous efforçons d'assurer quotidiennement envers les Canadiens », a dit Mme Payton.

La présidente de CTV News, Wendy Freeman, a abondé en ce sens.

« À l'instar d'autres organisations médiatiques, nous croyons qu'utiliser notre contenu dans des publicités pour des partis politiques sans notre autorisation peut compromettre notre indépendance journalistique et mettre en doute nos normes d'éthiques et notre objectivité », a-t-elle dit.

L'OPPOSITION S'INDIGNE

La députée du NPD Alexandrine Latendresse a soutenu qu'il s'agit visiblement d'une manoeuvre partisane destinée à procurer un avantage aux conservateurs à l'approche des élections.

« Les Canadiens s'attendent à ce que le gouvernement fasse des lois qui sont dans l'intérêt de tous. Les conservateurs préfèrent toutefois des lois qui sont dans leur intérêt seulement. On l'a vu avec leur réforme électorale, taillée sur mesure pour les besoins du Parti conservateur. Maintenant, ils veulent récidiver en modifiant la loi afin de pouvoir utiliser les images des diffuseurs pour leurs publicités politiques négatives », a-t-elle dit.

Le député libéral Dominic LeBlanc s'est montré tout aussi cinglant. « Le gouvernement veut attendre jusqu'à 2017 avant de changer la Loi sur le droit d'auteur pour mieux protéger la propriété intellectuelle des artistes. Par contre, quand le Parti conservateur veut changer la loi pour voler le contenu des agences de nouvelles et d'artistes dans le but de faire des annonces négatives, le gouvernement obéit sans hésiter », a-t-il dit.