Alors que les sondages nationaux placent les libéraux de Justin Trudeau en tête depuis plus d'un an et que le compte à rebours électoral est commencé, certains chroniqueurs dans la presse anglophone ont supputé durant l'été l'avenir politique de Stephen Harper.

Partira? Partira pas? Aura-t-il envie de se mesurer au jeune chef libéral, le fils de Pierre Trudeau, même si une défaite aux urnes fait partie des scénarios plausibles après neuf ans de pouvoir?

Aura-t-il la cuirasse assez épaisse pour affronter les attaques soutenues du chef du NPD, Thomas Mulcair, considéré comme le meilleur chef de l'opposition officielle aux Communes depuis l'époque de John Diefenbaker, selon les dires de l'ancien premier ministre Brian Mulroney?

La réponse de ses troupes et de ses proches collaborateurs est sans équivoque. «Il est notre chef. Il va diriger le Parti conservateur aux prochaines élections. Cela n'a jamais fait de doute au sein de notre caucus», affirme une source conservatrice.

Dans les rangs du parti, on croit dur comme fer que Stephen Harper demeure le meilleur leader des trois principaux chefs en selle à Ottawa en ce moment. Que ferait Justin Trudeau devant la menace que représente le président Vladimir Poutine pour les velléités expansionnistes en Ukraine? Thomas Mulcair serait-il capable de négocier des traités de libre-échange avec des blocs économiques importants comme l'Union européenne, qui rapporteront des dividendes économiques au pays étant donné la frilosité historique du NPD sur la question de la libéralisation des échanges? Qui est le mieux à même de gérer l'économie canadienne alors que l'économie mondiale montre encore des signes de faiblesse six ans après la grande récession?

Ces questions, et bien d'autres, Stephen Harper et ses députés comptent bien les poser aux électeurs au cours des prochains mois afin de renverser la tendance qui s'installe au fil des mois et qui annonce une visite à l'abattoir.

Cruciales campagnes

«Les sondages en ce moment ne valent pas grand-chose. Les élections qui ont eu lieu au Québec, en Ontario, en Alberta et en Colombie-Britannique au cours derniers mois ont démontré qu'une campagne électorale compte et compte beaucoup. C'est à ce moment-là qu'on verra ce que Justin Trudeau a dans le ventre», a résumé un stratège conservateur.

Sans tambour ni trompette, Stephen Harper dépassera le premier ministre libéral Louis Saint-Laurent cette semaine dans le palmarès des leaders ayant occupé le plus longtemps les fonctions de premier ministre du Canada. Il supplantera aussi Brian Mulroney vers la mi-novembre pour s'installer au sixième rang derrière Mackenzie King, John A. Macdonald, Pierre Trudeau, Wilfrid Laurier et Jean Chrétien.

M. Harper consoliderait sa place dans les livres d'histoire s'il remportait une autre victoire majoritaire au prochain scrutin. Il réussirait ainsi à détrôner Jean Chrétien au cinquième rang s'il demeurait en poste jusqu'au printemps 2016.

«Tout politicien, surtout quand il est premier ministre, veut avoir sa place dans l'histoire», souligne une source conservatrice pour illustrer la motivation que cela peut représenter pour M. Harper.

Pour d'autres, Stephen Harper a déjà sa place dans les annales de la politique canadienne depuis qu'il a réussi à unir les forces de la droite sous une seule bannière en 2003 et remporté trois victoires électorales consécutives (2006, 2008 et 2011).

Sa gestion durant la crise économique mondiale, la signature du traité de libre-échange avec l'Union européenne, le retour à l'équilibre budgétaire en 2015 et l'effritement du mouvement souverainiste sous sa houlette font partie de son legs politique, selon eux.

Depuis son retour en politique, en 2002, M. Harper n'a jamais caché son ambition de faire du Parti conservateur le «Natural Governing Party» du Canada, un titre que s'est approprié le Parti libéral en gouvernant le pays durant la majorité du dernier siècle.

Aux élections de 2011, le Parti libéral a été relégué au troisième rang à la Chambre des communes pour la première fois de son histoire en récoltant seulement 34 sièges. Mais les libéraux ont obtenu un nouveau souffle depuis que Justin Trudeau est aux commandes. Bon nombre d'entre eux croient que le retour au pouvoir en 2015 est quasi assuré.

Pour réaliser son ambition, Stephen Harper doit donc livrer une autre bataille électorale. Et s'il réussit ce qui apparaît improbable aujourd'hui, il se taillera une plus grande place encore dans les livres d'histoire.