Stephen Harper dépassera Louis Saint-Laurent jeudi au 7e rang du palmarès des premiers ministres qui ont été au pouvoir le plus longtemps au Canada, puis Brian Mulroney au 6e rang, à la mi-novembre.

Plusieurs historiens consultés par La Presse s'entendent pour dire qu'il s'agit de jalons importants pour M. Harper et le Canada. «Du temps au pouvoir: c'est ce que tout premier ministre veut», a noté Jack Granatstein, historien et auteur de Prime Ministers: Ranking Canada's Leaders.

«Vous ne pouvez pas faire grand-chose sans temps... Ceux qui sont considérés comme les grands premiers ministres de ce pays sont ceux qui ont gouverné pendant une longue période, comme Macdonald, Laurier et King.»

Le professeur au département d'histoire de l'Université Carleton Stephen Azzi a mené un sondage auprès de 117 experts de la politique et de l'histoire canadiennes en 2011 afin d'établir un palmarès des meilleurs premiers ministres canadiens. M. Harper s'est classé au 11e rang. Mais selon M. Azzi, sa progression au palmarès de la longévité pourrait améliorer son classement si un sondage semblable était mené à nouveau.

C'est d'autant plus vrai que si son parti est reporté au pouvoir en 2015, M. Harper pourrait dépasser Jean Chrétien au 5e rang, quelques semaines plus tard.

«Généralement, les premiers ministres qui ont eu le plus de succès ont été ceux qui ont servi de longs mandats. Parce que c'est seulement en étant au pouvoir pendant longtemps que vous pouvez laisser votre marque dans l'histoire», a expliqué le professeur de l'Université Carleton.

C'est ce que soutient le journaliste et auteur Paul Wells dans son livre sur Stephen Harper intitulé The Longer I'm Prime Minister, publié il y a quelques mois. «Il avait besoin de durer, parce que la plupart des changements qu'il voulait faire ne pouvaient l'être trop rapidement», a écrit M. Wells.

Lors de la campagne électorale de 2008, le chef du Parti conservateur du Canada avait établi clairement certains de ses objectifs: «Notre parti doit s'assurer qu'il gouverne dans l'intérêt de la large majorité de la population. Cela veut non seulement dire que nous voulons tirer les Canadiens vers le conservatisme, mais aussi que les conservateurs doivent eux aussi se déplacer vers les Canadiens s'ils veulent continuer à diriger le pays.»

Union de la droite

L'union de la droite et l'accession du nouveau Parti conservateur au pouvoir sont les réussites le plus souvent attribuées au premier ministre actuel.

Depuis 2006, le gouvernement Harper a de plus négocié de nombreux accords de libre-échange, il a donné une plus grande place à la monarchie dans les symboles nationaux, il a adopté des lois criminelles plus sévères, il a reconnu la nation québécoise, il a traversé la crise financière de 2009 et il s'est rapproché considérablement d'Israël, entre autres choses.

Mais pour certains, il s'agit d'une feuille de route peu reluisante lorsqu'on la compare au libre-échange avec les États-Unis de Brian Mulroney, à la Charte canadienne de Pierre Elliott Trudeau ou à la création de la fédération de John A. Macdonald, par exemple.

Questionné sur le fait qu'il se ferait prochainement supplanter par M. Harper au 6e rang du palmarès de la longévité, M. Mulroney a simplement lancé: «Bravo!»

«Moi, j'ai été chef du Parti progressiste-conservateur», a-t-il cependant ajouté, en insistant sur le mot «progressiste». «Ils ont amputé la partie progressiste du nom, ce qui est correct, mais ils ne devraient pas l'amputer de notre patrimoine.»

L'historien et ancien politicien libéral John English croit pour sa part que le premier ministre actuel «a déjà accédé aux livres d'histoire comme étant un premier ministre significatif».

Et que ce soit à cause du rythme des changements qu'il apporte ou des sentiments polarisés qu'il provoque, ou encore du mystère qui l'entoure encore près de neuf ans après son accession au pouvoir, «Harper sera un personnage qui fera l'objet de beaucoup d'attention après son mandat», prédit M. English.