Le gouvernement Harper risque de tomber dans le même piège de dépassement de coûts des avions F-35 dans le dossier de la construction de nouvelles frégates pour les Forces canadiennes s'il accorde le contrat d'aménagement et d'équipement intérieur sans appel d'offres à la firme américaine Lockheed Martin.

La meilleure façon d'éviter ce piège, qui lui a fait perdre des plumes dans la faveur populaire quand la controverse sur le dépassement des coûts d'achat et d'entretien des F-35 a éclaté en 2012, c'est de lancer un appel d'offres en bonne et due forme, selon des sources bien au fait de ce dossier.

Le gouvernement Harper a annoncé en 2011 l'octroi d'un contrat de 29 milliards de dollars à la société Irving Shipbuilding à Halifax pour la construction de 23 navires de combat, notamment des patrouilleurs hauturiers pour l'Arctique (8) et des navires de combat de surface canadiens (15).

La construction des patrouilleurs hauturiers doit commencer en 2015 alors que la construction des navires de combat de surface doit débuter en 2018.

Irving Shipbuilding a l'expertise pour construire la coque de ces navires, mais elle doit refiler la conception du design intérieur et l'installation des appareils de communication et d'armement à une entreprise plus spécialisée. Le ministère de la Défense a dans sa ligne de mire la firme Lockheed Martin pour cette partie du travail, alors que les mandarins du ministère de l'Industrie estiment qu'un nouvel appel d'offres est nécessaire pour assurer un maximum de retombées économiques pour le pays.

Le cabinet Harper tarde à trancher dans ce dossier.

Encore Lockheed Martin

Rappelons que Lockheed Martin est cette même société américaine à qui le gouvernement Harper comptait accorder un contrat de 16 milliards de dollars en 2010 pour la construction et l'entretien de 65 avions furtifs F-35. Mais il a été contraint de reprendre tout le dossier à zéro en 2012 après que deux rapports eurent démontré qu'il avait largement sous-estimé les coûts d'achat et d'entretien de ces avions qui doivent remplacer la flotte vieillissante des F-18.

«Si le gouvernement fédéral ne va pas en appel d'offres pour la construction intérieure de ces bateaux, il risque de répéter l'erreur des F-35. Et on risque de se retrouver sans bateaux, comme on se retrouve sans avions en ce moment», a confié à La Presse une source conservatrice qui craint les conséquences politiques d'un autre dépassement de coûts dans un contrat d'acquisition d'appareils militaires.

«Encore une fois, on semble prêt à mettre tous nos oeufs dans le même panier, celui de Lockheed Martin», a ajouté cette source.

En coulisse, l'entreprise française DCNS, qui se spécialise dans la construction intérieure des navires depuis plusieurs décennies, s'active pour convaincre le gouvernement conservateur de lancer un autre appel d'offres et ainsi obtenir une part de cet important contrat militaire.

La Presse a obtenu un résumé des engagements que la société française a soumis au cabinet Harper pour le convaincre qu'un appel d'offres est la meilleure option qui s'offre à lui.

«DCNS peut livrer les navires dans les délais prescrits tout en respectant le budget; créer des emplois de qualité pour les Canadiens et garantir des retombées pour l'économie canadienne; peut aussi être un exemple d'un contrat d'acquisition qui fonctionne bien quand les bonnes décisions sont prises», peut-on lire dans le document confidentiel.