Décembre 2013. Exactement 10 ans après avoir signé la Convention des Nations unies sur le droit de la mer, le Canada doit déposer ses revendications sur le sous-sol de l'Arctique.

Les scientifiques canadiens ont préparé des pages de documents basés sur des relevés effectués lors de nombreuses expéditions dans l'Arctique. Mais au dernier moment, coup de théâtre : le Canada décide de ne pas présenter sa demande et de n'envoyer que quelques données préliminaires. Et il demande une prolongation afin d'effectuer d'autres travaux.

À l'époque, le Globe and Mail a rapporté que la décision d'ordonner de nouveaux travaux émanait du bureau de Stephen Harper, qui voulait absolument inclure le pôle Nord dans les revendications canadiennes. Des sources gouvernementales ont confirmé à La Presse que c'est bien le premier ministre qui a exigé ces travaux, et pour ces raisons.

Cette décision explique la mission qui se déroule actuellement au pôle Nord, au coût de 17 millions. Une autre mission similaire aura lieu l'an prochain, au même coût.

«Le gouvernement a décidé que le Canada avait avantage à prendre le temps de se demander si d'autres travaux s'imposaient pour faire en sorte qu'une demande relative à l'étendue totale du plateau continental dans l'Arctique soit présentée à la Commission, ce qui inclut l'affirmation de la revendication du Canada sur le pôle Nord», a expliqué par courriel le ministère des Affaires étrangères.

En plus d'estimer qu'elles sont vouées à l'échec, le professeur Michael Byers, de l'Université de la Colombie-Britannique, croit que les deux missions canadiennes au pôle Nord comportent des risques non négligeables.

«La glace à cet endroit est plus épaisse qu'à n'importe quel autre endroit sur la planète, et les brise-glaces canadiens ne sont pas particulièrement puissants, dit-il. Il y a des risques de s'aventurer ainsi dans l'une des régions les plus éloignées et les plus inhospitalières du globe avec des équipements qui ne sont pas optimaux.»

La colère de la Russie

En 2013, l'annonce des visées canadiennes sur le pôle Nord avait suscité la colère de la Russie, qui a déjà réclamé officiellement ce territoire auprès des Nations unies. Peu de temps après l'annonce canadienne, le président Vladimir Poutine avait déclaré vouloir «accorder une attention particulière au déploiement d'infrastructures et d'unités militaires dans l'Arctique».

En 2007, la Russie avait réussi à planter un drapeau en titanium au fond de l'océan, sous le pôle Nord, une prouesse technique qui en disait long sur ses ambitions.

Les tensions actuelles entre les pays occidentaux et la Russie provoquées par la crise en Ukraine n'ont probablement pas refroidi la colère de M. Poutine qui, selon les experts, ne voit sûrement pas d'un bon oeil les deux brise-glaces canadiens se frayer un chemin vers le pôle Nord.

«Je soupçonne qu'ils [les Russes] perçoivent cela comme une continuation de l'encerclement des pays occidentaux. Il se pourrait que ça atteigne le point où Poutine décide de répliquer», a dit à La Presse Canadienne Robert Huebert, de l'Université de Calgary.

Revendications internationales au pôle

1997

La Russie est l'un des premiers pays à signer la Convention des Nations unies sur le droit de la mer, ce qui déclenche le compte à rebours.

À partir de cette date, le pays a 10 ans pour

soumettre son dossier.

Décembre 2001

La Russie dépose ses revendications sur l'Arctique auprès de la Commission des limites du plateau continental, un organisme de l'ONU. Les revendications incluent le pôle Nord. La Commission juge toutefois les données incomplètes et en exige d'autres.

Novembre 2003

Le Canada signe la Convention des Nations unies sur le droit de la mer, ce qui déclenche son propre compte à rebours.

Novembre 2004

Le Danemark, considéré par plusieurs observateurs comme le prétendant le plus sérieux sur le pôle Nord, signe la Convention des Nations unies sur le droit de la mer.

Août 2007

La Russie plante un drapeau de titanium directement sous le pôle Nord, au fond de l'océan, une prouesse technique qui annonce clairement ses ambitions sur la région.

Décembre 2013

Le Canada, qui doit déposer ses revendications sur l'Arctique auprès de l'ONU, décide de ne soumettre que des données préliminaires et demande une extension pour réaliser des travaux au pôle Nord. La décision vient directement de Stephen Harper.

Août 2014

Les brise-glaces Louis S. St-Laurent et Terry Fox partent en Arctique avec la mission d'atteindre le pôle Nord.