La présence militaire grandissante de la Russie dans l'Arctique suscite des inquiétudes et le Canada ne devrait pas être complaisant à ce propos, a déclaré le premier ministre Stephen Harper au deuxième jour de son voyage annuel dans le Nord canadien, vendredi.

M. Harper, qui se trouvait dans la ville de Fort Smith, dans les Territoires du Nord-Ouest, pour annoncer de nouvelles initiatives visant à stimuler le secteur agricole dans la région, a souligné que la Russie n'avait pas mis de l'avant une incursion militaire agressive en Arctique comme elle l'a fait en Europe de l'Est.

Le premier ministre a cependant répondu par un «oui prudent» lorsqu'on lui a demandé s'il s'inquiétait de la militarisation de l'Arctique.

La Russie s'affaire à rebâtir d'anciennes bases militaires de l'époque soviétique dans le nord de son territoire et détient une flotte sous-marine à propulsion nucléaire et des brise-glaces qui patrouillent ses eaux.

Des avions russes ont également testé les limites de l'espace aérien canadien, selon M. Harper.

Dans les prochains jours, le premier ministre participera à une série de manoeuvres militaires dans le passage du Nord-Ouest destinées à affirmer la souveraineté du Canada dans l'Arctique.

«Je crois que nous ne devrions pas être complaisants puisque nous avons vu que le président Poutine devient de plus en plus agressif envers ses voisins. Il augmente également son agressivité militaire et je crois que nous ne devrions pas être à l'aise à ce propos», a-t-il dit.

M. Harper a également appelé la Russie à retirer un convoi de camions qui a traversé la frontière ukrainienne dans le cadre de ce que Moscou décrit comme une mission humanitaire, mais que les Ukrainiens qualifient d'«invasion directe».

«C'est honteux, a déclaré le premier ministre. Ce n'est pas surprenant, mais c'est honteux de camoufler cette incursion militaire sous le couvert d'une opération d'aide humanitaire.»

L'incursion a été condamnée par les États-Unis et l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord (OTAN), qui a affirmé vendredi que les soldats russes opéraient à partir de l'Ukraine afin de lancer des attaques à l'interne.

Investissements agricoles

M. Harper a profité de sa visite dans les Territoires du Nord-Ouest pour annoncer que le gouvernement fédéral investira deux millions de dollars pour bâtir un campus permanent du Northern Farm Training Institute (NFTI) dans la ville de Hay River.

Cette somme d'argent permettra à l'école d'offrir des programmes toute l'année sur un campus situé sur une parcelle de terre arable de 300 acres offerte par la ville. L'établissement comprendra des serres, des bureaux et des salles de classe.

Un communiqué affirme que le NFTI pourrait générer des revenus supplémentaires en vendant ses produits et ses plantes.

M. Harper a aussi annoncé des investissements pouvant aller jusqu'à deux millions de dollars en vue du lancement de l'Initiative des serres nordiques, qui vise à favoriser la commercialisation et la productivité des projets de serres partout dans le Nord canadien.

Harper exclut les médias chinois de sa tournée

Le Canada a interdit à des journalistes de l'agence de presse officielle chinoise et du quotidien du Parti communiste de suivre le premier ministre Stephen Harper dans sa tournée annuelle en Arctique, suscitant des plaintes des reporters chinois, qui se disent victimes de discrimination.

L'exclusion des journalistes chinois survient alors que les relations entre les deux pays sont tendues. Le gouvernement canadien a récemment accusé des pirates informatiques chinois de s'être introduits dans les systèmes du Conseil national de recherches du Canada, ce que la Chine dément. Quelques jours plus tard, les autorités chinoises ont arrêté un couple canadien soupçonné d'avoir volé des secrets d'État sur l'armée et la recherche en matière de défense. L'homme et la femme sont toujours détenus.

La décision de ne pas permettre aux journalistes du «Quotidien du peuple» et de l'agence de presse Chine nouvelle de participer à la visite de M. Harper est liée à un incident survenu lors de la dernière tournée en Arctique du premier ministre, l'an dernier. Le reporter Li Xuejiang, du «Quotidien du peuple», avait poussé une porte-parole de M. Harper, Julie Vaux, après que celle-ci eut interdit au journaliste de poser une question au premier ministre.

Le porte-parole de M. Harper, Jason MacDonald, a indiqué dans un courriel en provenance de l'Arctique, vendredi, que «certains médias ne sont pas les bienvenus dans le voyage».

Lors d'une entrevue téléphonique, M. Li a admis avoir poussé Mme Vaux l'année dernière, mais a affirmé que le bureau du premier ministre avait fait preuve de discrimination envers les journalistes chinois en ne lui permettant pas de poser sa question et en laissant les policiers le malmener par la suite.

«Ils ont utilisé la force policière pour me faire sortir de la rangée de journalistes», a déclaré M. Li. «C'est très rare dans le monde. Ils ont fait une ecchymose sur mon bras.»

M. Li, chef de bureau pour le quotidien du Parti communiste et anciennement correspondant à Washington, affirme qu'il ne comprend pas pourquoi on l'a fait taire. L'équipe du premier ministre Harper a pour pratique de limiter le nombre de questions posées lors d'un événement.

Le reporter affirme qu'il n'a même pas tenté d'obtenir une accréditation pour la tournée actuelle de M. Harper dans le Nord.

«Pourquoi discriminent-ils les journalistes chinois? Pour des raisons raciales?», se demande-t-il. «Il ne m'ont donné aucune raison.»

L'agence Chine nouvelle a rapporté que le journaliste Baodong Li avait fait une demande d'accréditation mais qu'il ne l'avait pas obtenue, apparemment par manque de place. Il ne comprend pas lui non plus pourquoi il a été banni.

«C'est vraiment ridicule. Cela ne vise pas seulement M. Li du »Quotidien du peuple«, mais l'ensemble des journalistes chinois», a déclaré M. Baodong. «Cela n'a rien à voir avec moi personnellement.»

MM. Li et Baodong envisagent de porter plainte auprès de la Tribune de la presse parlementaire canadienne.

David Mulroney, ambassadeur du Canada en Chine de 2009 à 2012, souligne que les journalistes chinois peuvent parfois être très agressifs.

«Je me suis déjà retrouvé dans une mêlée alors qu'ils se ruaient vers une salle de réunion pour prendre une photo du président de l'époque, Jiang Zemin. Mais je pense que le journalisme est l'un des aspects essentiels de la société chinoise qui change lentement, mais sûrement», a-t-il indiqué dans un courriel.

- Avec Rob Gillies, AP