La nouvelle de la mort de Jim Flaherty s'est propagée comme une traînée de poudre en ce début d'après-midi du 10 avril. Spontanément, des députés néo-démocrates et libéraux ont traversé le parquet de la Chambre des communes pour réconforter des collègues conservateurs secoués par le décès de l'ex-ministre des Finances, quelques semaines seulement après avoir quitté la politique.

Cette tragédie a imposé une trêve de quelques jours sur la colline parlementaire. Elle a rappelé à tous que la vie est fragile et que personne n'est invincible, encore moins les politiciens qui tentent chaque jour d'étirer chaque seconde de chaque minute de chaque heure.

Mais les hostilités n'ont pas tardé à reprendre après les funérailles nationales réservées à Jim Flaherty, signe incontestable que tous les députés ont déjà les yeux rivés sur les prochaines élections fédérales, prévues en octobre 2015.

Si la trêve provoquée par le départ soudain de Jim Flaherty a constitué un moment fort de la dernière session parlementaire, les salves du premier ministre Stephen Harper à l'endroit de la juge en chef de la Cour suprême du Canada, Beverley McLachlin, en mars, ont été décriées comme étant une nouvelle attaque contre les institutions canadiennes.

Car les critiques de M. Harper envers la Cour suprême sont survenues quelques semaines après qu'elle eut servi deux rebuffades au gouvernement conservateur. Elle a d'abord rejeté la nomination du juge Marc Nadon au plus haut tribunal parce qu'il était issu de la Cour fédérale et n'avait pas de lien contemporain avec le Code civil du Québec pour occuper l'un des trois sièges qui revient à la province. Ensuite, elle statué qu'Ottawa ne peut réformer de manière unilatérale le Sénat sans consulter les provinces.

Les critiques de M. Harper sont aussi survenues quelques semaines après que l'un de ses ministres, Pierre Poilievre, responsable de la réforme démocratique, eut pourfendu sans ménagement en avril le directeur général d'Élections Canada, Marc Mayrand, parce que ce dernier avait exprimé de sérieuses inquiétudes au sujet de la réforme électorale. M. Poilievre s'en est aussi pris à l'ancienne vérificatrice générale Sheila Fraser, vénérée par bon nombre de Canadiens en raison de ses enquêtes dans le scandale des commandites, également parce qu'elle a osé critiquer la réforme électorale.

Si les conservateurs devaient poursuivre dans cette voie, l'intégrité des institutions canadiennes pourrait s'imposer comme un thème important durant la prochaine campagne électorale et faire dérailler le plan de match des proches collaborateurs de Stephen Harper, qui souhaitent jouer à fond la carte de l'économie.

Mulcair s'illustre

Ces controverses et d'autres comme celle entourant les failles du programme de travailleurs temporaires étrangers ont encore une fois permis au leader du NPD Thomas Mulcair de s'illustrer en tant que chef de l'opposition officielle. Ses questions pointues et bien ficelées dérangent Stephen Harper et les principaux ministres. De toute évidence, le premier ministre n'est pas encore tout à fait à l'aise d'affronter les tirs nourris de son adversaire néo-démocrate. Et le gouvernement vient de donner un nouvel os à l'opposition sur lequel elle pourra mâchouiller: il a approuvé avec certaines conditions le projet d'oléoduc Northern Gateway, qui doit permettre d'acheminer du pétrole issu des sables bitumineux de l'Alberta jusqu'au port de Kitimat, en Colombie-Britannique, avant d'être exporté en Asie.

Mais le NPD a terminé la session sur les talons en raison de la controverse entourant l'envoi de centaines de milliers de dépliants jugés partisans par le Bureau de régie interne des Communes. Ce comité qui se réunit à huis clos et qui est composé majoritairement de députés conservateurs réclame maintenant 1,17 million de dollars au NPD. Le parti entend contester cette requête formulée par «un tribunal fantoche» devant la Cour fédérale.

Quelques bons coups

Stephen Harper et ses troupes ont tout de même réussi quelques bons coups: un accord de libre-échange avec la Corée du Sud après des années de faux départ; un budget qui annonce un retour à l'équilibre dès cette année si la croissance est au rendez-vous, ou au plus tard l'an prochain, soit juste à temps pour les prochaines élections fédérales. Aussi, le scandale des dépenses au Sénat, qui avait dominé les échanges aux Communes l'automne dernier, a été relégué au second rang.

Les députés sont rentrés dans leur circonscription respective hier. L'été s'annonce un peu plus calme pour eux loin de la joute parlementaire à Ottawa. Mais en septembre, il ne restera plus qu'un an avant les prochaines élections. Tous seront alors sur un véritable pied de guerre.