Compte tenu du nouveau contexte géopolitique mondial, le Canada devrait formellement demander aux États-Unis de participer au projet de bouclier antimissiles balistiques, estime un comité du Sénat dans un rapport unanime déposé lundi soir.

La participation du Canada à ce projet controversé permettrait «de protéger la souveraineté, la sécurité et les intérêts nationaux» du pays, ont soutenu les sénateurs qui font partie du comité de la sécurité nationale et de la défense.

Le comité a passé les six derniers mois à entendre des experts du Canada et des États-Unis sur ce programme de défense américain qui vise à intercepter un ou des missiles balistiques lancés par des États voyous en direction des États-Unis avant qu'ils ne frappent leur cible.

L'ancien premier ministre Paul Martin avait écarté toute participation canadienne à ce projet en 2005 alors qu'il dirigeait un gouvernement minoritaire et qu'il subissait d'énormes pressions de la part de l'aile jeunesse du Parti libéral et de l'aile gauche de son parti pour dire non au président américain George W. Bush.

À l'époque, Stephen Harper était chef de l'opposition et avait vigoureusement défendu l'idée d'une participation canadienne. Depuis qu'il est arrivé au pouvoir, M. Harper n'a pas cru bon de relancer les discussions entre Ottawa et Washington sur cette délicate question.

Mais le rapport risque de relancer le débat d'autant plus que M. Harper avait entrebâillé la porte à un changement de cap il y a deux semaines alors qu'il effectuait une visite officielle en Europe.

«Nous espérons que le gouvernement ne tardera pas à appliquer notre recommandation. Comme nous l'indiquons dans le rapport, le contexte de menace a beaucoup changé depuis 2004. Nous devons nous assurer que les Canadiens soient complètement protégés contre les attaques de missiles balistiques. Ce n'est pas le cas aujourd'hui (...) . Nous devons être à la table des décisions et veiller à ce que les intérêts du Canada reçoivent toute l'attention qu'ils méritent», a soutenu le président du comité du Sénat, le sénateur conservateur Daniel Lang.

Le sénateur libéral Roméo Dallaire, qui est vice-président du comité, a abondé dans le même sens. « Pour le comité, il n'est que juste que le Canada contribue de manière tangible au programme de DAB des États-Unis. Selon les témoignages entendus, cette contribution peut prendre des formes diverses. Mais tant que le Canada ne discute pas de sa participation à la DAB avec les États-Unis, il est impossible de savoir ce qu'on attend de lui. Quelle que soit la contribution qu'il décidera d'offrir, le Canada devrait s'assurer que sa participation protégera les intérêts du pays, peu importe les résultats des efforts visant à mettre en place un système de DAB efficace. »

Selon le comité, il est évident que les attentats du 11 septembre «ont fait disparaître toute illusion selon laquelle la position géographique de l'Amérique du Nord constituait un rempart contre les menaces étrangères». Et rien n'empêcherait les États voyous comme la Corée du Nord et l'Iran, qui détiennent des armes nucléaires, d'attaquer le continent américain.

«Le Canada et ses alliés ne disposent en aucun cas d'un niveau de confiance suffisant pour établir que les missiles nucléaires de la Corée du Nord et de l'Iran sont ou seront bien protégés contre un lancement accidentel ou non autorisé. Le Canada approuve l'idée de protéger l'Europe, dans le cadre de l'OTAN, contre les attaques perpétrées par des États voyous au moyen de missiles balistiques», peut-on lire dans le rapport.

Durant les audiences du comité du Sénat, deux anciens ministres de la Défense dans le gouvernement Martin, David Pratt et Bill Graham, ont fait un vibrant plaidoyer en faveur d'une participation du Canada à ce programme devant ce même comité.

Malgré les témoignages de ces deux anciens ministres libéraux, le Parti libéral du Canada demeure opposé à ce projet. Le NPD est aussi farouchement contre ce programme, convaincu qu'il conduira inéluctablement à la militarisation de l'espace.