Lorsqu'il s'est invité dans la course à la direction du Bloc québécois, certains doutaient que Mario Beaulieu parvienne à recueillir les 1000 signatures nécessaires pour officialiser sa candidature. Aujourd'hui, il est chef du parti souverainiste, une victoire qui prouve son grand talent pour l'organisation politique, selon ses proches.

L'establishment du parti s'attendait à une victoire relativement confortable d'André Bellavance. Un bloquiste de longue date a estimé hier que, des 19 000 membres ayant le droit de voter, environ les deux tiers appuyaient le député de Richmond-Arthabaska, contre un tiers pour M. Beaulieu.

C'était sans compter sur le zèle des bénévoles de l'équipe de M. Beaulieu, qui ont incité ses sympathisants à voter en masse pendant les trois jours de scrutin téléphonique.

Jean Dorion, qui a précédé M. Beaulieu à la tête de la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal, n'est pas si surpris du résultat final.

«C'est un patriote, c'est un gars extrêmement décidé et c'est aussi un excellent organisateur, a-t-il observé. Je pense que son élection à la tête du Bloc en témoigne.»

M. Dorion a remarqué Mario Beaulieu pour la première fois au début des années 90, à l'époque où il remplissait son premier mandat à la tête de la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal. Comme lui, M. Beaulieu souhaitait ardemment que le mouvement souverainiste se rapproche des communautés culturelles.

En campagne, M. Beaulieu a courtisé une autre clientèle chère au mouvement souverainiste : les jeunes. Il a promis que le Bloc investirait les cégeps et les universités dans l'espoir de raviver l'intérêt pour l'indépendance.

Sa formation professionnelle y est peut-être pour quelque chose. Bien qu'il fasse surtout parler de lui comme d'un militant souverainiste associé à l'aile «pure et dure», M. Beaulieu est d'abord éducateur spécialisé dans un Centre jeunesse pour filles à Laval. Au quotidien, il vient en aide aux jeunes aux prises avec des difficultés familiales.

«Il a une bonne façon pédagogique auprès des jeunes», observe Farid Salem, avec qui M. Beaulieu a fondé le Mouvement Montréal français.

«Je n'ai jamais vu autant de jeunes autour d'une personne qu'autour de Mario. Ça veut dire qu'il a une belle approche.» - Farid Salem, Mouvement Montréal français

CHANGEMENT DE CAP

Malgré tout, rares sont ceux qui l'imaginaient devenir un jour chef du Bloc québécois. Gérald Larose le connaît depuis les années 90, alors que Mario Beaulieu était président régional du Parti québécois dans Montréal-Centre.

«Ce n'est pas un grand tribun, ce n'est pas quelqu'un qui cherchait nécessairement à se mettre devant les caméras et à avoir du pouvoir pour avoir du pouvoir, a observé M. Larose. Ce n'est pas du tout son style.»

Mais, ajoute M. Larose, la donne politique a changé après les défaites du Bloc québécois en 2011 et du Parti québécois en avril. À ses yeux, le mouvement souverainiste a besoin d'un changement de cap important. C'est justement ce que propose M. Beaulieu.

Comme militant péquiste, M. Beaulieu a souvent appelé la direction du parti à remettre la souveraineté à l'avant-plan. Devenu président de la SSJB en 2009, il a vigoureusement défendu la langue française à Montréal, allant jusqu'à intervenir auprès des organisateurs d'une fête de la Saint-Jean-Baptiste pour qu'ils retirent deux groupes anglophones de leur programmation.

Devenu candidat à la direction du Bloc québécois, M. Beaulieu a défendu des idées en droite ligne de celles qu'il soutenait comme militant. Il propose que la formation fédérale fasse activement la promotion de la souveraineté. Pour ce faire, les députés devront passer plus de temps dans leur circonscription, quitte à délaisser les travaux parlementaires. Les élus devront aussi verser une partie de leur salaire à des organismes civils qui font la promotion de l'indépendance.

CRAINTES

Ce programme inquiète, dans un parti où une trentaine de présidents d'association et où les trois autres députés se sont ralliés à André Bellavance. Pour plusieurs bloquistes contactés hier, cette victoire équivaut à une «prise de contrôle» par un noyau de souverainistes pressés. Plusieurs personnes contactées n'hésitent pas à qualifier de «radicales» les positions de leur nouveau chef.

«C'était donc plus facile de rudoyer le chauffeur, d'ouvrir la portière et de prendre le contrôle du véhicule», a ajouté cette même source.

Mais le doyen des députés bloquistes, Louis Plamondon, reste optimiste. Selon lui, Mario Beaulieu va mettre «un peu d'eau dans son vin» afin de préserver l'unité du parti. Il n'a pas le choix, dit-il, puisqu'il a réussi à se faire élire avec seulement 53 % des suffrages.

«C'est le cinquième chef que je vais avoir après Lucien Bouchard, Michel Gauthier, Gilles Duceppe et Daniel Paillé, dit M. Plamondon. Chacun avait sa personnalité, mais disons que celui-ci est vraiment différent des autres ! »