Pas question de demander à la Cour suprême de se pencher sur la constitutionnalité du nouveau projet de loi sur la prostitution, a déclaré vendredi le ministre de la Justice, Peter MacKay.

Le ministre a déposé son projet de loi mercredi. Il vise à criminaliser les clients qui achètent des services sexuels et les proxénètes, mais aussi, dans certains cas, les prostituées, si elles font de la sollicitation dans des endroits publics où des enfants peuvent se trouver.

Le Nouveau Parti démocratique (NPD) a demandé au gouvernement de solliciter l'avis de la Cour suprême.

Plusieurs experts et l'opposition à Ottawa ont déjà relevé des dispositions de C-36 qui pourraient, selon eux, contrevenir à la Charte des droits et libertés.

Mais selon Peter MacKay, le projet de loi passe avec succès le test de la Charte.

«Plusieurs experts au sein du ministère de la Justice se sont justement penchés sur le projet de loi dans ce but», a-t-il déclaré vendredi à sa sortie de la Chambre des communes.

«Nous sommes confiants que ce projet de loi est constitutionnel», a-t-il tranché.

Et le ministre souligne que la création de lois est la responsabilité du gouvernement, qui doit les soumettre à l'approbation du Parlement. Il n'a pas l'intention d'abdiquer cette responsabilité en déférant ses lois immédiatement à la Cour suprême pour avoir son opinion sur leur validité.

C'est toutefois la Cour qui a invalidé en décembre plusieurs articles du Code criminel sur la prostitution, notamment sur le proxénétisme, la sollicitation et la tenue de maisons de débauche. Selon la Cour, ces dispositions mettaient en danger les travailleuses du sexe. La Cour avait suspendu la déclaration d'invalidité et laissé un an au gouvernement pour modifier le Code criminel.

Le projet de loi C-36 est la réponse du gouvernement conservateur à la Cour suprême.

Mais les critiques au projet de loi, dont les travailleuses du sexe, ont fait valoir que plusieurs dispositions de C-36 mettent justement en danger ceux et celles qui s'adonnent à la prostitution.

Par exemple, la criminalisation des clients risque d'en faire fuir plusieurs. Les prostituées disent qu'elles seront réduites à accepter à peu près n'importe qui, incluant des clients violents et intoxiqués qu'elles auraient autrement refusés, pour avoir assez d'argent pour vivre.

Elles notent de plus qu'en étant empêchées de pouvoir offrir leurs services sur Internet ou dans des journaux - une nouvelle infraction créée dans C-36 - elles se retrouveront dans la clandestinité. Même chose pour l'interdiction de sollicitation dans des endroits possiblement fréquentés par des mineurs: elles ont relevé que cela va les forcer à aller dans des coins sombres et dangereux pour éviter les arrestations.

Des experts ont souligné que parce que les nouveaux articles au Code criminel créés par C-36 peuvent mettre les femmes en danger, ils ne respecteront pas plus la Charte que les précédents, qui avaient été invalidés pour cette raison.

Le gouvernement soutient que le projet de loi protège les prostituées qui sont vulnérables ainsi que les communautés, et qu'il empêche les enfants d'être exposés à la prostitution. Il ajoute que C-36 sera de plus accompagné de financement pour créer des programmes visant à aider les femmes à quitter la prostitution.