Le premier ministre Stephen Harper affirme qu'il n'a pas l'intention de modifier la Constitution pour permettre la nomination d'un juge de la Cour fédérale à titre de l'un des trois juges québécois de la Cour suprême du Canada.

Un porte-parole du premier ministre a fait cette affirmation après qu'un document parlementaire signé par le ministre fédéral de la Justice, Peter MacKay, ait laissé la porte ouverte à cette possibilité quelques heures plus tôt.

Les députés montréalais Stéphane Dion et Irwin Cotler ont posé des dizaines de questions écrites au gouvernement dans la foulée de la nomination avortée du juge Marc Nadon à la Cour suprême en mars. 

« Le gouvernement tentera-t-il de modifier la Constitution afin de permettre la nomination de juges des cours fédérales aux sièges du Québec à la CSC et, dans l'affirmative, comment le gouvernement compte-t-il procéder? » a notamment demandé M. Dion.

« Aucune décision n'a encore été prise sur cette question », a répondu le gouvernement. La réponse écrite, vraisemblablement préparée par des fonctionnaires, était signée par le ministre MacKay.

Mais le bureau de M. Harper a rapidement nié cette possibilité lorsque la nouvelle a été rapportée. « Le premier ministre a été clair là-dessus au cours des dernières années. Il n'est aucunement question de rouvrir la Constitution. Nous respecterons la lettre et l'esprit de la décision de la Cour suprême », a déclaré un porte-parole, Carl Vallée.

Toujours pas de nomination

La Cour a statué en mars que les juges de la Cour fédérale ne sont pas admissibles à siéger au plus haut tribunal du pays à titre de l'un des trois juges du Québec. Elle a aussi tranché qu'une modification de cette règle dans la Loi sur la Cour suprême serait un amendement constitutionnel qui nécessiterait un appui des provinces. 

L'opposition talonne le premier ministre à la Chambre des communes depuis plusieurs semaines pour lui demander s'il se conformera à cet avis de la Cour pour pourvoir le poste laissé vacant par le juge Morris Fish il y a presque un an. 

Le premier ministre Stephen Harper martèle qu'il se conformera à la « lettre et l'esprit » de l'avis, sans en dire davantage.

Ces documents parlementaires ajoutent une nouvelle dimension au débat, au moment où le ministre de la Justice affirme qu'il nommera un troisième juge du Québec à la CSC « très bientôt », mais qu'il reste muet quant à la procédure qu'il entend suivre. 

Stéphane Dion convient néanmoins qu'il est peu probable qu'Ottawa se lance dans de nouvelles négociations constitutionnelles à ce sujet. « Mais le fait qu'ils n'aient pas l'honnêteté d'admettre qu'ils ont perdu en Cour et qu'ils vont se conformer au jugement et que donc, ils n'arriveront pas avec un juge de la Cour fédérale, ça ajoute à tout le mauvais goût que nous laisse cette terrible saga », a-t-il dit. 

« En temps et lieu » 

Questionnée sur les intentions d'Ottawa, la ministre de la Justice, Stéphanie Vallée, a fait valoir que « la Cour suprême a clairement statué que le bassin de sélection des juges devait provenir notamment de la cour d'appel, de la cour supérieure ou d'avocats en pratique pendant plus de 10 ans ».

« Pour ce qui est des demandes constitutionnelles que le fédéral voudra faire, on verra en temps et lieu les demandes qui seront présentées par Ottawa, et on verra dans un processus global de discussion », a-t-elle ajouté.

Selon elle, ses échanges avec Peter MacKay sont « à ce jour positifs ». « Le Québec peut jouer un rôle dans cette sélection-là et peut mettre à profit un processus de sélection qui sera rigoureux et qui respectera les paramètres et les enseignements de la Cour suprême », a-t-elle dit.

Le ministre des Affaires intergouvernementales, Jean-Marc Fournier, a précisé que Québec a présenté à M. MacKay «  le processus que suit (le ministre de la Justice du Québec) lorsque vient le temps de faire les recommandations du Québec, un processus qui est rigoureux, qui est complet et qui représente l'alternative que cherche Ottawa pour faire des nominations valides, respectueuses de la Constitution ».

Le député péquiste et porte-parole en matière de Justice, Alexandre Cloutier, presse le gouvernement Couillard d'obtenir d'Ottawa des « garanties » pour qu'il respecte la liste de noms soumise par Québec dans le processus de nomination d'un juge québécois à la Cour suprême. Il déposera aujourd'hui une motion pour décrier toute tentative d'Ottawa de modifier la constitution en vue de pouvoir nommer des juges issus de la cour fédérale.