La Cour suprême rendra ce matin une décision très attendue sur la réforme du Sénat, en particulier par le gouvernement du Québec, qui s'est fait l'un des opposants les plus farouches de l'approche unilatérale proposée par le gouvernement Harper.

Ottawa affirme qu'il peut, sans consulter les provinces, limiter la durée du mandat des sénateurs à huit ans et instaurer un processus de consultation de la population avant de les nommer. Il juge également qu'il n'a pas besoin de l'appui de toutes les provinces pour abolir la Chambre haute.

Nombreux opposants

Plusieurs s'opposent à ces changements unilatéraux. Québec estime que les amendements relatifs à la durée et au mode de sélection des sénateurs nécessitent l'appui de sept provinces qui représentent 50% de la population canadienne. Il juge que l'unanimité est requise pour l'abolition de l'institution.

«Ce n'est pas parce que c'est difficile, ardu [...] qu'il faille court-circuiter ce qui est prévu à la Constitution pour atteindre un but que certains jugent louable, d'autres moins», a déclaré le procureur de la province, Jean-Yves Bernard, lors de sa plaidoirie en novembre.

De nombreux experts s'attendent à ce que la Cour rejette les tentatives du gouvernement fédéral. Certains croient cependant qu'elle pourrait laisser la porte ouverte à la limitation unilatérale de la durée du mandat des sénateurs. Le comité sénatorial de la justice s'est penché sur la question et «l'immense majorité des constitutionnalistes ont dit qu'ils ne pourraient pas mettre cela à moins de 12 ans, a noté le sénateur indépendant Jean-Claude Rivest, un ancien conseiller du premier ministre Robert Bourassa. S'ils mettaient cela à moins de 12 ans, le Sénat devient à la merci du premier ministre.»

Planche de salut

Stephen Harper se lancerait sans doute sur une telle planche de salut: «Le premier ministre saisira toutes les occasions offertes par la Cour pour rendre le Sénat démocratique et responsable envers les Canadiens», a déclaré hier le ministre responsable de la Réforme démocratique, Pierre Poilievre.

Une décision défavorable marquerait un énième revers du gouvernement Harper devant la Cour suprême depuis quelques années, après sa défaite dans le renvoi sur la nomination du juge Nadon, notamment.

«En rappelant à ce gouvernement que des négociations sont nécessaires afin de mener à terme les changements qu'il préconise, la Cour suprême risque de mettre sérieusement la table à une réouverture des négociations constitutionnelles au Canada», a écrit Patrick Taillon, professeur de droit à l'Université Laval, dans une lettre publiée par Le Soleil de Québec.

«C'est non seulement l'avenir du Sénat qui se joue à l'occasion de l'avis rendu par la Cour suprême du Canada, mais aussi le rapport de force du Québec dans d'éventuelles négociations qu'Ottawa devra, un jour ou l'autre, se résigner à entreprendre», a ajouté le professeur Taillon.