Les partis de l'opposition pressent le premier ministre Stephen Harper de nommer sans tarder un nouveau juge du Québec à la Cour suprême du Canada, dans la foulée du rejet de la nomination du juge Marc Nadon par le plus haut tribunal du pays.

Cela fait maintenant sept mois qu'un des trois sièges que compte le Québec à la Cour suprême est vacant. Durant cette même période, le plus haut tribunal du pays s'est notamment penché sur la nomination du juge Nadon et sur la constitutionnalité de la réforme du Sénat proposée par le gouvernement Harper.

La Cour suprême sera également appelée sous peu à se pencher sur l'épineuse question de l'euthanasie. Selon le chef du Parti libéral, Justin Trudeau, l'absence d'un troisième juge du Québec prive le plus haut tribunal du pays d'une perspective plus large sur des questions importantes.

«De toutes les nominations récentes qui démontrent le mauvais jugement du premier ministre, peut-être la plus grave est celle qui laisse le banc des juges de la Cour suprême incomplet, depuis maintenant sept mois, ce qui veut dire une sensibilité réduite à la perspective du Québec sur des enjeux d'importance comme la structure du Parlement ou le droit de mourir dans la dignité», a lancé hier le chef libéral à la Chambre des communes.

Le chef du Nouveau Parti démocratique, Thomas Mulcair, a aussi exprimé son inquiétude devant la lenteur du gouvernement Harper à procéder à une nouvelle nomination.

«C'est préoccupant parce que ça entache la crédibilité des jugements. Légalement, c'est sûr que ça demeure valable, mais on ne peut pas continuer comme ça», a affirmé M. Mulcair.

Le député bloquiste André Bellavance a fait valoir que M. Harper aurait pu éviter le fiasco entourant la nomination du juge Nadon s'il avait consulté davantage le gouvernement du Québec.

«Une grande surprise», dit Harper

À sa première présence aux Communes depuis près d'un mois, M. Harper a réitéré sa surprise de lire les conclusions de la Cour suprême au sujet du juge Nadon, un juge de la Cour d'appel fédérale. Dans une décision historique rendue il y a deux semaines, la Cour a affirmé que le juge Nadon était inhabile à siéger au plus haut tribunal parce qu'il ne satisfaisait pas aux critères pour être l'un des trois juges issus du Québec.

La Cour a tranché que l'article 6 de la Loi sur la Cour suprême empêchait la nomination d'un juge de la Cour fédérale comme l'un de ces trois juges. Elle a opté pour une lecture restrictive de la disposition, conforme aux représentations du procureur général de la province: seuls les juges de la Cour d'appel ou de la Cour supérieure du Québec ainsi que les avocats qui sont membres du Barreau du Québec depuis au moins 10 ans peuvent être nommés par Ottawa à la Cour suprême.

«Pendant les consultations, tous les partis de cette Chambre étaient d'accord avec l'idée qu'on pouvait nommer un Québécois de la Cour fédérale à la Cour suprême, a dit le premier ministre. Évidemment, c'est une grande surprise de découvrir qu'il y a une règle tout à fait différente pour le Québec que pour le reste du Canada.

«Le gouvernement va respecter la lettre et l'esprit du jugement», a poursuivi M. Harper, sans toutefois dire quand il compte pourvoir le poste vacant.

Le ministre de la Justice Peter MacKay a pour sa part affirmé qu'il s'agissait d'une règle «nouvelle». Or, cette règle existe depuis 1875.

Au bureau du ministre, on a indiqué avoir l'intention de procéder «rapidement afin de [s']assurer que la Cour suprême ait une composition complète de juges».