La ministre fédérale des Transports a tenu à refroidir les ardeurs de certains entrepreneurs enthousiastes à l'idée d'emprunter le mythique passage du Nord-Ouest dans un proche avenir, grâce au réchauffement de la planète.

En visite à Washington mardi, Lisa Raitt a affirmé que les discussions entourant la «voie maritime de l'Arctique» ne se concrétiseraient fort probablement pas à court terme.

Devant les membres du Conseil des affaires canadiennes-américaines, Mme Raitt a énoncé une série de motifs pour expliquer son enthousiasme prudent, notamment les inquiétudes des compagnies d'assurances. Ce sont elles, a dit la ministre, qui ont le dernier mot lorsque vient le temps de déterminer si un navire est autorisé ou non à emprunter cette voie maritime.

Certains passages peu profonds et le manque de balises de navigation sont aussi problématiques, a poursuivi la ministre, soulignant que l'avantage d'un trajet plus court serait forcément annulé si le navire devait rester coincé en cours de route.

Et les risques d'un déversement de pétrole doivent également être considérés, a ajouté Mme Raitt lors d'une séance de questions-réponses au Conseil des affaires canadiennes-américaines.

Selon la ministre, l'achalandage des navires dans cette région ne risque pas de s'accroître de sitôt, ce qui ne l'empêche pas de faire preuve, elle aussi, d'enthousiasme face à une telle perspective.

«Je suis passionnée par ce dossier. Mais je ne crois pas que ce soit une panacée, et je ne pense pas que le canal de Panama ou le canal de Suez soient menacés par la compétition du passage du Nord-Ouest actuellement», a indiqué Mme Raitt, qui a déjà été directrice du Port de Toronto.

Les problèmes à résoudre donneront par ailleurs tout le temps nécessaire aux décideurs pour élaborer des protocoles de sécurité en cas de déversement, a-t-elle soutenu. Mme Raitt a aussi dit avoir hâte de consulter un rapport de recommandations sur le transport maritime au nord du 60e parallèle, qui doit être déposé l'automne prochain.

«Ce que je peux vous dire, c'est que vous ne voulez vraiment pas voir un déversement de pétrole ou un accident dans l'Arctique», a souligné la ministre. «Ce n'est pas qu'une question d'économie - je ne peux pas croire que je viens de dire ça en tant que conservatrice, mais ce n'est pas tout le temps une question d'économie. Il faut trouver un équilibre dans tout ça avec ce qui se passe en matière de sécurité et d'environnement.»

Les gouvernements canadiens, et plus particulièrement le gouvernement Harper, se sont souvent servis de l'occupation du territoire de l'Arctique pour fouetter la fierté nationale. Et le dossier a parfois donné lieu à des tensions quant aux prétentions d'autres pays frontaliers - dont les États-Unis - quant à la souveraineté sur ce nouveau tracé.

Mais nous n'en sommes, pour l'instant, qu'aux premiers balbutiements, a dit Mme Raitt.

L'an dernier, un navire transportant du charbon a certes gagné du temps en empruntant le passage du Nord-Ouest, mais Transports Canada l'a surveillé de très près pendant le trajet pour éviter tout accident, a-t-elle rappelé.

Outre cet exemple, la plupart des convois répertoriés dans la région sont des navires d'approvisionnement effectuant des allers-retours entre l'Arctique et le sud, a expliqué la ministre.

Mme Raitt a également laissé entendre que le statut de la Russie au Conseil de l'Arctique serait peut-être révisé, affirmant que son ministère avait coupé les ponts depuis le début de la crise en Ukraine. Elle a toutefois refusé d'en dire davantage, soulignant que le dossier était géré par sa collègue à l'Environnement, la ministre Leona Aglukkaq.