Analyse. À la barre du ministère des Finances depuis 2006, Jim Flaherty était assurément un acteur incontournable du gouvernement Harper et un gage de stabilité dans la foulée de la crise économique mondiale de l'automne 2008.

Jim Flaherty: maître d'oeuvre de l'équilibre budgétaire

À preuve, l'annonce de son départ a été faite hier après la fermeture des marchés financiers, vers 16 h 05, afin de ne pas perturber une journée qui s'est avérée lucrative pour les investisseurs.

Fier de ses racines irlandaises - il portait fréquemment des cravates vertes à la Chambre des communes -, Jim Flaherty a su conserver son flegme durant la violente tempête économique qui a secoué la planète il y a six ans. Ses homologues du G20 se tournaient d'ailleurs souvent vers lui pour guider ce club sélect vers des jours meilleurs.

Mais le Jim Flaherty qui occupait le poste de grand argentier du pays était aussi un rouage essentiel dans la nouvelle alliance qui s'est tissée au fil des ans entre les conservateurs des provinces de l'Ouest et ceux de l'Ontario. Alors que le poste le plus important du gouvernement, celui de premier ministre, est entre les mains d'un Albertain, Stephen Harper, le deuxième plus important, celui de ministre des Finances, a été réservé jusqu'ici à un Ontarien en vertu de cette alliance.

Alors que les conservateurs s'activent aux quatre coins du pays en prévision des prochaines élections fédérales, prévues à l'automne 2015, il serait étonnant que Stephen Harper mette fin à cette « sainte alliance » qui lui a finalement permis de former un gouvernement majoritaire au scrutin de 2011 après trois tentatives.

« Cette alliance est très importante pour la suite des choses sur le plan politique », a convenu hier un stratège conservateur qui a requis l'anonymat. M. Harper dévoilera l'identité du nouveau ministre des Finances aujourd'hui.

Même si son nom a été souvent évoqué au cours des derniers mois comme possible successeur de Jim Flaherty, le ministre de l'Emploi, Jason Kenney, pourrait donc être écarté de la très courte liste. Bourreau de travail, homme fort du cabinet Harper qui a acquis la réputation de régler les problèmes dans les ministères qu'il se voit confier, M. Kenney a une lacune importante : il représente une circonscription albertaine à la Chambre des communes.

La même logique nuirait aussi aux chances du ministre de l'Industrie, James Moore, même si ce jeune politicien de la Colombie-Britannique a répondu aux attentes du premier ministre et s'avère l'un des meilleurs communicateurs du gouvernement. Autre facteur important, M. Moore entretient l'ambition de diriger le Parti conservateur un jour. Remettre les clés du ministère des Finances à quelqu'un qui rêve de devenir premier ministre ne devrait pas effleurer l'esprit de Stephen Harper.

En Ontario, les noms du président du Conseil du Trésor, Tony Clement, du ministre des Affaires étrangères, John Baird, et du ministre des Ressources naturelles, Joe Oliver, ont circulé hier soir. Jouissant de la confiance de Stephen Harper, ils seraient tous capables de maintenir intacte l'alliance entre l'Ontario et l'Ouest qui sourit aux conservateurs.

Originaire de Montréal, bilingue et respecté par les investisseurs de Bay Street - il a travaillé pour Merril Lynch et a déjà dirigé la Commission des valeurs mobilières de l'Ontario -, Joe Oliver apparaissait toutefois sur l'écran radar de la majorité des journalistes de la haute finance comme le plus susceptible de prendre la relève aux Finances, même s'il aura 74 ans le 20 mai.

Ayant défendu avec énergie le projet de construction du pipeline Kesytone XL tant à Ottawa qu'à Washington, M. Oliver pourrait offrir à Stephen Harper la continuité dans les changements qu'il doit faire à son cabinet à la suite de la démission de Jim Flaherty à 18 mois des prochaines élections.