Le gouvernement Harper se penche sur la possibilité d'imposer de simples amendes pour la possession de petites quantités de marijuana. C'est ce qu'a annoncé le ministre fédéral de la Justice Peter MacKay, hier, qui a précisé qu'il n'est pas question de décriminaliser ni de légaliser la marijuana. Un projet qui ne fait pas l'unanimité.

Policiers

C'est l'Association canadienne des chefs de police qui a réclamé en août que le gouvernement fédéral élargisse la gamme d'options offertes pour faire respecter l'interdiction de posséder de la marijuana. «Dans certains cas, il serait avantageux qu'il y ait une autre possibilité que les tribunaux et une condamnation au criminel pour une simple possession de cannabis (30 grammes ou moins de cannabis (marijuana) ou un gramme ou moins de résine de cannabis)», peut-on lire dans la résolution adoptée par l'ACCP à Winnipeg.

Ouverture

Le premier ministre Stephen Harper n'avait pas fermé la porte à cette suggestion et le ministre de la Justice, Peter MacKay, a confirmé hier que son ministère analysait sérieusement la proposition. M. MacKay a dit vouloir donner «plus d'options» aux policiers et ainsi contribuer à désengorger les tribunaux. «Nous ne sommes pas arrivés au mécanisme exact par lequel ça pourrait être fait», a-t-il cependant déclaré. Il ne s'est pas non plus avancé sur la question des quantités.

Dépénalisation

«Je veux être très clair: on ne parle pas de décriminalisation ou de légalisation. Ce dont on parle est très aligné avec ce que les chefs de police ont proposé», a par ailleurs précisé le ministre MacKay. La criminologue de l'Université d'Ottawa Line Beauchesne a convenu que le gouvernement semblait se diriger vers une forme de dépénalisation: «C'est-à-dire que la peine n'est plus au pénal, a-t-elle expliqué. Mais ce n'est pas de la décriminalisation. La décriminalisation signifie qu'on retire l'acte du Code criminel.»

Légalisation

Cette position contraste avec celle du chef libéral Justin Trudeau, qui a proposé l'été dernier de légaliser purement et simplement la marijuana, pour la soustraire à l'emprise du crime organisé, mieux en contrôler la vente aux mineurs et permettre à l'État d'en retirer des revenus. En 2003, le gouvernement libéral n'était pas allé aussi loin et avait lui aussi présenté un projet de loi pour imposer des amendes pour la possession de petites quantités de marijuana. Ce projet n'a jamais été adopté.

Conservateurs

Mieux connu pour son durcissement de la justice criminelle, le Parti conservateur avait jusqu'ici été le plus réticent devant ce genre de position dans le dossier de la marijuana. Mais la résolution des chefs de police a convaincu plusieurs de ses députés et sénateurs, dont certains anciens policiers. «Il faut revoir les procédures judiciaires pour désengorger nos palais de justice de causes qui pourraient être faites sous d'autres formes en termes d'infractions ou d'amendes», a dit hier le sénateur conservateur Pierre-Hugues Boisvenu, faisant écho aux propos de plusieurs de ses collègues.

Risques

Le modèle de dépénalisation étudié par le gouvernement fédéral ne fait pas l'unanimité. «On ne gagne rien en faisant ça. Strictement rien. C'est même pire», a dénoncé la criminologue Line Beauchesne. «L'Australie, c'est ce qu'elle fait: elle a remplacé la peine pour possession simple par des amendes. Et tout ce que ça a fait, c'est que la police est beaucoup plus active qu'avant, parce que c'est devenu un revenu pour le gouvernement.»