Le premier ministre Stephen Harper a lancé jeudi la première pelletée de terre pour ce qui totalisera 14 milliards $ en projets, en dévoilant son plan de financement des infrastructures pour la prochaine décennie. Mais Québec a immédiatement déploré «l'improvisation» du fédéral dans le dossier et le manque de détails sur les critères imposés par Ottawa.

Selon les paramètres du Nouveau Fonds Chantiers Canada, le gouvernement fédéral financera au maximum le tiers des coûts des projets admissibles présentés par les provinces ou les municipalités - il n'y avait pas de limite formelle auparavant.

À cela, on compte deux exceptions, puisque les autoroutes et routes principales appartenant aux provinces pourront être financées à la hauteur de 50%, tout comme les projets de transport collectif.

La somme de 14 milliards $ en 10 ans avait été annoncée dans le budget de 2013. Les municipalités et les provinces s'impatientaient depuis un an pour en connaître les modalités. Lors du dépôt du tout dernier budget du ministre des Finances Jim Flaherty, mardi, elles se plaignaient d'être toujours maintenues dans l'obscurité, alors qu'elles doivent s'organiser pour les chantiers qui se mettront en branle cet été.

À Gormley, en Ontario, le premier ministre leur a affirmé qu'elles pourraient enfin souffler.

«Les provinces, les territoires et les municipalités auront maintenant un accès sans précédent à des fonds fédéraux prévisibles et durables pour leurs infrastructures», s'est-il félicité aux côtés de son ministre de l'Infrastructure, Denis Lebel.

Mais Québec insistait pour que l'argent lui soit transmis «en bloc», affirmant qu'il s'agissait là de la manière la plus efficace d'allouer les sommes. Or, compte tenu du peu de détails fournis par le fédéral lors de l'annonce, le ministre québécois des Affaires intergouvernementales, Alexandre Cloutier, dit ne pas savoir à quoi s'en tenir.

«Puisqu'il n'y aura pas d'entente-cadre, devons-nous comprendre qu'ils procéderont par transfert en bloc ou qu'ils vont imposer des négociations d'ententes intergouvernementales (...) sur chacun des projets? Si c'est ça, ça veut donc dire qu'il y aura des délais, parce que ce sera de la procédurite administrative - exactement ce qu'on essaie d'éviter», a-t-il tranché.

À ses yeux, Ottawa manque de «prévoyance» et de «collaboration» en agissant de façon unilatérale dans le dossier. Et il y a urgence d'agir, car l'échéance arrive dans six semaines.

Autres bémols

L'un des volets du nouveau fonds, celui destiné aux infrastructures nationales à hauteur de 4 milliards $, ne sera pas accordé en fonction des provinces ou territoires, mais en fonction «du mérite».

Pour la partie restante équivalente à 10 milliards $, chaque province et territoire recevra un montant de base de 250 millions $, en plus d'une allocation par habitant établie selon les données du dernier recensement. De ce montant, 1 milliard $ sera réservé aux projets des collectivités comptant moins de 100 000 habitants.

Ces sommes font partie d'une enveloppe totale de 53 milliards $, qui inclut notamment les transferts du Fonds fédéral de la taxe sur l'essence et un montant de 6 milliards $ de l'ancien programme, encore dans les coffres.

L'engagement d'Ottawa soulage la Fédération canadienne des municipalités (FCM), qui accueille toutefois l'annonce tant attendue avec certains bémols.

Selon son président Claude Dauphin, les rues locales sont complètement exclues du programme de 14 milliards $, alors qu'elles pouvaient autrefois bénéficier d'une aide fédérale pour leur réfection.

Il avance également que les municipalités seront liées aux décisions prises concernant les projets en partenariats public-privé pour les projets de plus de 100 millions $. «On demande un peu plus de flexibilité», a-t-il insisté.

La FCM se demande par ailleurs si elle aura vraiment droit à une portion significative de ces sommes, alors que tous les paliers de gouvernement tentent de tirer la couverture de leur côté. «On ne veut pas que les provinces prennent la grosse partie du gâteau», a signalé M. Dauphin.

Au Nouveau Parti démocratique (NPD), on s'attendait à ce que le fédéral dévoile davantage les critères du nouveau programme. La députée Marjolaine Boutin-Sweet croit que ce manque d'information pourrait se répercuter sur le taux de succès des municipalités qui souhaitent toucher aux sommes promises. «Si ce n'est pas clair, ça réduit les chances des municipalités de pouvoir appliquer pour des projets», a-t-elle noté.

Le chef libéral Justin Trudeau a de son côté rappelé que ce n'était pas de l'argent neuf et que les délais qui pourraient accompagner la mise en place du nouveau fonds pourraient affecter l'économie.

Le Bloc québécois craint pour sa part qu'il y ait du saupoudrage de petits montants et que Québec doive négocier à la pièce les sous pour chaque projet.