Un gouvernement libéral dirigé par Justin Trudeau s'assurerait de consulter les provinces avant de combler une vacance au Sénat - une démarche qui permettrait d'assurer une plus grande légitimité aux nouveaux sénateurs, a appris La Presse.

En tenant compte de l'avis des provinces, M. Trudeau reprendrait en partie à son compte un des éléments du défunt accord du lac Meech, à savoir que le premier ministre du Canada devait nommer des sénateurs à partir d'une liste de candidats soumise par les provinces où se trouvent des vacances.

L'ancien premier ministre Brian Mulroney, qui avait négocié l'accord du lac Meech avec les provinces en 1987, avait d'ailleurs nommé certains sénateurs à partir d'une liste fournie par l'ancien premier ministre Robert Bourassa même si cet accord a finalement échoué en 1990 parce qu'il n'avait pas été ratifié par toutes les provinces dans le délai de trois ans prévu par la loi.

En vertu du plan libéral, les provinces n'auraient toutefois pas nécessairement le dernier mot et elles ne seraient pas les seules à être consultées. Un comité de sages serait aussi mis à contribution afin de mettre fin à toute forme de partisanerie liée à ces nominations, a-t-on indiqué dans les rangs libéraux. Les sénateurs nommés seraient indépendants et ne représenteraient aucun parti politique à la Chambre haute.

«Nous croyons certainement que les provinces doivent faire partie du nouveau processus de consultation qui permettrait de nommer de nouveaux sénateurs. Le chef a été clair. Il veut que le Sénat redevienne ce qu'il devait être au départ, soit une institution qui est indépendante et qui représente les aspirations des régions dans leur travail», a affirmé une source libérale proche du dossier.

Cette source a toutefois tenu à souligner que M. Trudeau tient à attendre la décision de la Cour suprême du Canada sur la constitutionnalité de la réforme du Sénat proposée par le gouvernement Harper avant de prendre une décision ferme à cet égard.

Les changements que proposent les conservateurs visent à limiter à neuf ans les mandats des sénateurs et à tenir un scrutin pour élire un sénateur dans les provinces où il y a une vacance. Mais ces changements sont contestés par plusieurs provinces parce qu'elles estiment qu'Ottawa ne peut faire de tels changements sans obtenir leur consentement. Le plus haut tribunal du pays devrait rendre sa décision d'ici un an.

M. Trudeau a causé une commotion à Ottawa mercredi en annonçant qu'il expulsait de son caucus les 32 sénateurs libéraux qui ont été nommés au Sénat au fil des ans. Pris par surprise, les principaux intéressés ont fait savoir qu'ils vont continuer à siéger comme sénateurs libéraux au Sénat, même s'ils ne font plus partie du caucus libéral.

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Appui d'un think tank de droite

Tournée en dérision à la fois par les conservateurs de Stephen Harper et par les néo-démocrates de Thomas Mulcair, la décision de Justin Trudeau d'exclure de son caucus les sénateurs libéraux a été applaudie par le think tank de droite Canada West Foundation, qui appuyait autrefois les réformes du Sénat proposées par le gouvernement Harper. «Ce geste du chef libéral Justin Trudeau [...] est le premier pas depuis des décennies pour faire de la Chambre haute une véritable institution de réflexion», affirme le président de ce groupe, Dylan Jones. Un premier sondage publié hier démontre qu'une majorité de Canadiens (53%) appuie la décision de Justin Trudeau. Selon ce sondage, réalisé en ligne par Angus Reid Global auprès de 1503 Canadiens, seulement 16% des répondants s'y opposent tandis que 31% affirment ne pas avoir d'opinion pour le moment.