La criminalisation des clients devrait faire partie des modifications que proposera le gouvernement Harper aux lois sur la prostitution au Canada, affirme le ministre de la Justice, Peter MacKay.

Lors d'un entretien téléphonique avec La Presse, hier, M. MacKay a déclaré qu'il étudierait ce qui se fait ailleurs dans le monde afin de répondre à la décision de la Cour suprême du mois de décembre, qui a invalidé trois dispositions du Code criminel relatives à la prostitution.

Mais d'emblée, le politicien fédéral a manifesté son intérêt pour le modèle suédois, dont la France s'est récemment inspirée. Cette approche criminalise l'achat de services sexuels par les clients, plutôt que la sollicitation par les prostitués, comme c'est le cas au Canada pendant encore un an.

«Nous allons étudier la décision de la Cour suprême de très près et nous allons nous tourner vers la scène internationale pour étudier ce que d'autres pays ont fait. Le modèle nordique, en particulier, retient longuement l'attention», a déclaré le ministre.

«Se concentrer sur ceux qui commettent le crime, c'est-à-dire les proxénètes et les clients, fera très certainement partie de la réponse du gouvernement du Canada», a-t-il ajouté.

Dans une décision unanime rendue quelques jours avant Noël, la Cour suprême du Canada a déclaré inconstitutionnelles trois interdictions contenues dans le Code criminel, soit le proxénétisme, la sollicitation par les prostitués et l'exploitation d'une maison de débauche. Elle a jugé que ces règles mettaient en danger la vie et la sécurité des travailleuses du sexe.

La Cour a donné un an au gouvernement pour modifier ces règles.

Jusqu'ici, le ministre de la Justice s'était contenté d'une réaction laconique, dont une brève déclaration dans laquelle il s'était dit «préoccupé» et «déterminé à assurer la sécurité de tous les Canadiens et le bien-être de nos collectivités».

Protéger les gens

En entrevue, hier, M. Mackay a plutôt déclaré que «l'objectif premier est de protéger les gens. Dans la plupart des cas, ce sont des femmes vulnérables, des jeunes femmes, qui sont prises dans ce style de vie».

Il s'est engagé à apporter les changements nécessaires d'ici un an dans la foulée de cette décision qui «laisse un vide» et qui ne devrait pas manquer de susciter un vif débat.

«Je crois qu'on assistera à une discussion nationale très animée [...] sur la manière de réparer ce qui est maintenant un vide dans notre système de justice», a-t-il ajouté.

Le ministre s'est montré disposé à étudier la suggestion du sénateur conservateur et ancien chef de police Vern White, qui propose que le Sénat se penche sur les différents modèles en vigueur dans le monde, lors de la rentrée parlementaire à la fin du mois de janvier, afin d'aider le gouvernement à trancher la question.

«Le Sénat peut être un interlocuteur très, très utile dans cette discussion. Mais je prévois qu'il y aura plusieurs études et plusieurs participants de divers horizons, notamment chez ceux qui appliquent la loi, la communauté juridique et le monde universitaire.»

Photo Sean Kilpatrick, La Presse Canadienne

Ce qui se fait ailleurs

SUÈDE

Le modèle suédois criminalise les clients et les entremetteurs dans le commerce du sexe, mais pas les prostitués eux-mêmes. Ce modèle a ses limites, selon le criminologue de l'Université d'Ottawa Patrice Corriveau: «Loin d'avoir contribué à faire diminuer l'achat de services sexuels, ces lois ont simplement modifié les modalités de pratique», a-t-il écrit dans une étude publiée en 2010. Il ajoutait que cette approche avait contribué à rendre la pratique plus clandestine, augmentant la vulnérabilité des travailleuses du sexe. Des membres du Parti conservateur avaient demandé au gouvernement de s'inspirer de ce modèle, lors de leur dernière convention nationale, à Calgary.

PAYS-BAS, ALLEMAGNE

Le commerce du sexe est décriminalisé, mais réglementé, le plus souvent à l'échelon municipal. La prostitution forcée est interdite.

NOUVELLE-ZÉLANDE

Comme aux Pays-Bas, la prostitution est décriminalisée, mais c'est l'industrie elle-même, dont les travailleuses, qui réglemente son milieu - à condition de ne pas contrevenir aux normes du travail.