L'armée canadienne annule une commande de nouveaux véhicules blindés d'une valeur de 2,1 milliards $, à la suite d'un autre processus d'achat long et complexe qui aboutit dans l'impasse.

Des sources ont confié à La Presse Canadienne que des responsables de la Défense nationale doivent annoncer ce vendredi l'annulation de la commande de 108 véhicules destinés au combat rapproché.

Les offres présentées par trois compagnies spécialisées en défense - Nexter, BAE Systems et General Dynamics Land Systems - arriveront à échéance lundi prochain, et l'armée a décidé de ne pas choisir de gagnant.

Le responsable devant officialiser cette décision, le général Tom Lawson, devrait également préciser que ce choix est militaire, et non pas politique.

Du côté du ministère des Travaux publics, on renvoyait jeudi toutes les questions à la Défense. Quant aux sources au sein de l'industrie de la défense, l'affaire était déjà connue jeudi matin.

Le projet visait l'acquisition de 108 véhicules de 36 tonnes pouvant transporter des troupes, mais aussi combattre à la manière de chars légers.

Le programme flottait dans les limbes depuis des mois, après que les Forces canadiennes se soient inquiétées, à une époque de budgets serrés, de leurs capacités à s'entraîner sur les nouveaux véhicules, à les utiliser et à les entretenir.

Les ressources budgétaires de l'armée ont fait l'objet de compressions allant jusqu'à 22 % depuis 2011, et des sources du milieu de la défense prévoient qu'une autre cure d'austérité - de 10 %, celle-là - est à prévoir d'ici la fin de 2014.

Au ministère de la Défense, on doit respecter un objectif de réductions budgétaires variant entre 2,1 et 2,5 milliards $ d'ici l'an prochain sans diminuer la taille des effectifs - quelque chose qui, ont dit les experts, allait entraîner des réductions draconiennes dans la formation et les opérations.

L'annulation de ce nouveau contrat militaire important pourrait revenir hanter les conservateurs, qui ont éprouvé des difficultés à tenir leurs engagements dans une longue liste d'équipements militaires.

Ce retour en arrière risque également de provoquer colère et frustration au sein du secteur de la défense, particulièrement chez les trois candidats au concours qui ont dépensé des millions de dollars depuis 2009 lors de deux phases de tests.

Ces trois compagnies devaient entre autres fournir des véhicules à des fins d'examen, un exercice qui comprenait l'exposition à des tirs à balles réelles et au souffle d'engins explosifs.

Les factures atteignent déjà plusieurs millions de dollars, et l'industrie de la défense bruisse de rumeurs à propos de poursuites en justice visant à récupérer ces sommes.

En plus des véhicules blindés, la Défense nationale et le ministère des Travaux publics ont annulé à l'été 2012 un programme visant à acheter 1500 camions destinés à l'armée. Ils ont depuis relancé ce projet.

Selon la source gouvernementale, les véhicules, commandés il y a plusieurs années, ne répondent désormais plus aux besoins de l'armée canadienne.

Les chercheurs en défense Michael Byers et Stewart Webb tenaient un discours similaire, plus tôt cette année, lorsqu'ils décrivaient ces véhicules comme une relique adaptée à la Guerre froide, plutôt que pour les conflits à faible intensité auxquels l'armée risque de faire face à l'avenir.

«Les contribuables canadiens ont échappé à un piège de 2 milliards $», a dit M. Byers jeudi.

«Il s'agit de la bonne décision, mais le fait qu'il aura fallu tant de temps au gouvernement n'inspire pas confiance envers le système d'acquisition. Si vous avez un programme d'achat qui ne fonctionne pas, vous devriez avoir le courage de dire non.»

Le fait que l'armée dise avoir besoin de certaines capacités avant de se raviser à l'intérieur d'une période de quatre ans révèle l'absence d'une politique cohérente en matière de défense, a-t-il ajouté.

Selon lui, d'autres achats importants, notamment le chasseur furtif F -35 et les navires de patrouille pour l'Arctique, souffrent des mêmes problèmes.