Même si sur le fond, il partage son point de vue sur la charte des valeurs, l'ancien chef du Bloc québécois, Gilles Duceppe, estime que Maria Mourani est allée trop loin en parlant de «nationalisme ethnique» et que son chef a eu raison de l'expulser du caucus.

«Que Mme Mourani dise que c'est du nationalisme ethnique, je ne suis pas du tout d'accord avec ça, dit M. Duceppe. M. Paillé a dit qu'ils ont discuté et qu'elle avait refusé de retirer ses paroles. Si c'est ça, c'est un méchant problème.»

«Est-ce que c'était souhaitable que ça arrive? Non», ajoute-t-il, soulignant que Mme Mourani, sous son règne, avait souvent tendance à se mêler des dossiers de ses collègues. M. Duceppe lui-même rappelle qu'il a dû expulser deux députés, dont l'un - Ghislain Lebel - avait tenu des propos inacceptables à l'endroit de Bernard Landry.

Cela dit, sur le fond, M. Duceppe partage le point de vue de la députée d'Ahuntsic. Il refuse de dire que la charte de Bernard Drainville va trop loin, mais il estime que l'interdiction des signes religieux ostentatoires ne devrait s'appliquer qu'aux fonctionnaires qui représentent l'autorité de l'état, juges, policiers, gardiens de prison. Et les profs? «Les enseignants ne représentent pas l'État», tranche-t-il.

Cette position, qu'on décrit souvent comme étant celle des deux co-présidents de la commission Bouchard-Taylor, est en fait, à l'origine, celle du Bloc québécois, souligne M. Duceppe. «On a travaillé sur cette question pendant plus d'une décennie.»

Mais l'ancien chef du Bloc irait, dans certains cas, plus loin que le ministre Drainville : dans certaines écoles où on interdit les couvre-chefs, à cause par exemple de la lutte aux gangs de rue, le conseil d'établissement pourrait aussi décider que cette interdiction s'applique aussi aux signes religieux.

«Là où la question se pose, oui, il faudrait y penser. Mais là où la question ne se pose pas, c'est bien évident qu'on ne l'interdirait pas.»

De même, M. Duceppe conditionnerait l'obtention d'un permis de garderie -donc tous les services de garde, même privés et non-subventionnés- à l'engagement du propriétaire que les services se donneront aux enfants à visage découvert.

Pour l'ancien chef du Bloc, le gouvernement du PQ a été «courageux» en ouvrant le débat sur cette question sensible. «Les libéraux auraient dû le faire après Bouchard-Taylor.»

Le ton actuel du débat ne l'inquiète pas, les incidents agressifs contre les femmes voilées non plus. «Oui, il y a des Québécois racistes. C'est une maladie qui n'épargne aucune nation. Mais il y a aussi des propos intégristes inquiétants. J'espère que les femmes qui portent le foulard n'accepteront plus que des imams parlent en leur nom.»

M. Duceppe rappelle que dans les années 60, Paul Gérin-Lajoie avait été traité de révolutionnaire, de communiste, parce qu'il voulait sortir les écoles du giron de l'Église. «L'Église perdait ses droits.»

Gilles Duceppe revendique d'ailleurs le droit pour les anciens politiciens de se prononcer sur ce genre de questions sans écoper de l'étiquette péjorative de belle-mère. «Je donne mon opinion sur une question fondamentale. Ce n'est pas parce que j'ai fait de la politique par le passé que je perds le droit de m'exprimer», dit-il.

L'ancien chef du Bloc québécois suivra attentivement la commission parlementaire qui se tiendra sur le projet de loi 60 après les Fêtes. Pourrait-il changer d'avis? «Si on me prouvait que j'ai tort, je pourrais changer d'opinion.»