Au beau milieu du scandale où même des députés et sénateurs réservés ont été «fortement encouragés» à adopter la position du cabinet du premier ministre (CPM), un conservateur a tenu à respecter l'éthique parlementaire.

Chris Montgomery est le conservateur courageux, mais discret qui a refusé d'aider à modifier, à la demande de certaines des plus puissantes personnes du pays, un rapport du Sénat sur les dépenses douteuses du sénateur Mike Duffy en matière de logement.

Les détails de l'opposition de M. Montgomery ont été révélés dans un document de 80 pages déposé à la cour par la Gendarmerie royale du Canada (GRC), et qui a été dévoilé cette semaine. Ce rapport décrit un présumé plan conçu par le CPM et M. Duffy pour faire rembourser ses dépenses, tout en s'assurant qu'il soit épargné dans un rapport sénatorial sur cette affaire.

Nigel Wright, l'ancien chef de cabinet de Stephen Harper, et M. Duffy font face à des allégations de corruption, de fraude et d'abus de confiance. Ces allégations n'ont pas encore été prouvées en cour, et personne n'a été accusé.

M. Montgomery, qui est depuis passé au secteur privé, était alors directeur des affaires parlementaires pour l'ex-leader conservatrice au Sénat, Marjory LeBreton, un poste qu'il aura occupé pendant six ans. Son profil sur le réseau social LinkedIn mentionne qu'il occupait ce poste pour «faire preuve de jugement afin de garantir que les ordres du jour progressaient en respectant les mandats des ministres».

Mais lorsque la manipulation de comités sénatoriaux et la modification d'un rapport du Sénat se sont retrouvées au programme du CPM, M. Montgomery a appliqué les freins.

Les discussions ont débuté en février à propos de la possibilité qu'un comité sénatorial de régie interne rende un jugement favorable sur M. Duffy et ses demandes d'allocations de logement. Des questions avaient été soulevées dans les médias quant à sa capacité de représenter l'Île-du-Prince-Édouard lorsqu'il semblait passer la plupart de son temps à Ottawa.

Si ce comité refusait d'aller de l'avant, le CPM parlait de demander à un tout nouveau sous-comité de s'occuper du dossier.

«Chris ne croyait tout simplement pas en notre objectif de construire un rempart», s'est plaint M. Wright dans un courriel à propos de M. Montgomery. «En raison de son manque de volonté, il était impossible de discuter efficacement de la stratégie parlementaire...»

M. Montgomery a également révélé aux autorités qu'il avait ignoré une demande de M. Wright pour garder un oeil sur le sénateur Duffy, et ainsi s'assurer qu'il respectait le plan.

«Il n'a pas voulu s'impliquer dans le processus de vérification», a écrit le caporal de la GRC Greg Horton dans le document présenté en cour.

Éventuellement, une entente a été conclue avec M. Duffy pour rembourser ses dépenses. Une partie de cet accord consistait à s'assurer qu'une vérification externe et un éventuel rapport sénatorial ne s'intéresseraient pas à la question de cette résidence.

Le CPM et d'influents sénateurs ont manoeuvré pour exclure d'un rapport du Sénat les passages critiques envers M. Duffy. Ces personnes ont par ailleurs tenu une rencontre avec du personnel du Sénat, la veille du dévoilement du rapport. M. Montgomery avait alors réitéré son opposition.

«Il a suggéré aux sénateurs Carolyn Stewart Olsen et David Tkachuk de ne pas amender le rapport, puisqu'ils avaient l'obligation, envers le Sénat, de donner une explication pour avoir réclamé l'argent de la part de M. Duffy», écrit le caporal Horton.

M. Montgomery a également semblé tenter de rappeler au CPM l'autonomie dont disposent les comités sénatoriaux.

«Il a avisé le CPM qu'il ne devrait pas s'impliquer dans la vérification et les rapports du Sénat concernant le sénateur Duffy», poursuit le caporal Horton, avant de noter que le cabinet du premier ministre avait fait la sourde oreille.

«Pendant ses sept années au Sénat, M. Montgomery est incapable de se rappeler d'autres occasions où des représentants du CPM ont participé aux réunions et ont insisté pour dicter le contenu d'un rapport sénatorial.»

Le cabinet du premier ministre n'a d'ailleurs pas semblé apprécier le geste.

«Je suis en réunion avec M. Montgomery, Mme LeBreton, Sandy Melo (une employée de Mme LeBreton), et Mme Stewart Olsen. C'est incroyable. M. Montgomery est le problème», a écrit à Nigel Wright Patrick Rogers, le responsable des affaires parlementaires pour le premier ministre.

«Est-ce que je devrais venir?», demande M. Wright.

«C'est terminé, Patrick s'en est chargé», a écrit un autre membre du personnel, Chris Woodcock, directeur de la gestion des problèmes.

Il n'est pas clair, selon les dossiers de la GRC, de quelle façon M. Rogers s'est assuré que le rapport soit modifié lors de cette dernière réunion.

M. Montgomery est décrit par un conservateur comme «un homme de principe, intelligent et discret». Un libéral qui a travaillé avec lui au Sénat mentionne qu'il est «vraiment un bon gars - très professionnel dans la façon dont il traitait son travail ici».

Ce diplômé de l'Université McGill a travaillé avec les progressistes-conservateurs dans l'Ouest canadien, puis au sein du nouveau Parti conservateur avant d'entrer au gouvernement en 2006. Il oeuvre désormais comme responsable des communications à l'Association canadienne des producteurs pétroliers, à Calgary.

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