Un député conservateur pro-vie revient à la charge avec une nouvelle motion liée à l'avortement. Et c'est avec l'espoir avoué qu'elle aboutisse sur une réflexion pour déterminer à quel moment un foetus ne doit plus être avorté.

L'initiative de l'Ontarien Stephen Woodworth risque peu d'être adoptée aux Communes, mais elle remet le débat sur l'avortement une autre fois sur le tapis. Cela pourra fort bien irriter le premier ministre Stephen Harper - qui a promis de ne pas ouvrir cette boîte de Pandore - mais aura l'avantage de plaire à la base électorale conservatrice.

La motion ne fait pas référence à l'avortement spécifiquement, mais demande à ce que «toute loi canadienne soit interprétée de manière à reconnaître l'égalité de la valeur et la dignité de quiconque qui est dans les faits un être humain».

L'an dernier, ce même député de Kitchener-Centre avait proposé la motion M-312, visant à mettre sur pied un comité chargé d'étudier à quel moment un foetus devient un être humain. Sa motion avait finalement été rejetée par le score de 91-203. Il avait toutefois reçu l'appui de dix ministres conservateurs, dont celui de la ministre de la Condition féminine d'alors, Rona Ambrose.

Par la suite, la motion d'un autre député pro-vie conservateur, Mark Warawa, portant sur les avortements «sexo-sélectifs», avait été jugée non éligible au vote parce que trop similaire à celle de M. Woodworth.

Jeudi, le député ontarien a convenu que sa démarche avait peu de chance de réussir, notamment parce qu'une de ses motions a déjà été débattue au cours de l'actuelle législature au Parlement. Il estime malgré tout que c'est son devoir d'aller de l'avant.

«J'aimerais que toute décision entourant l'avortement soit basée sur l'idée que tout être humain est de valeur et dignité égale», a-t-il insisté. À ses yeux, si une décision ne tient pas compte de ce principe, il lui manque alors «quelque chose d'important».

Tout comme lors du débat entourant sa première motion, M. Woodworth a pris de nombreuses précautions en conférence de presse pour ne pas s'avancer sur ce qu'il souhaiterait comme législation sur l'avortement.

Mais il a confié qu'il aimerait bien que sa nouvelle motion soit un premier pas vers une démarche plus profonde. «Le prochain espoir immédiat que j'aurais est que nous conduisions l'étude que la juge Wilson recommandait», a-t-il spécifié.

M. Woodworth fait ainsi référence à un passage du jugement R. contre Morgentaler, rédigé par Bertha Wilson en 1988, et qui renvoyait aux députés le soin de déterminer jusqu'à quand doit pouvoir avoir lieu une interruption de grossesse. «Quant au point précis du développement du foetus où l'intérêt qu'a l'État de le protéger devient »supérieur«, je laisse le soin de le fixer au jugement éclairé du législateur, qui est en mesure de recevoir des avis à ce sujet de l'ensemble des disciplines pertinentes. Il me semble cependant que ce point pourrait se situer quelque part au cours du second trimestre», avait-elle écrit.

Peu de surprise

La députée néo-démocrate Françoise Boivin ne s'attendait à ce que M. Woodworth baisse les bras, malgré l'échec de M-312.

«Ce n'est pas une surprise pour moi. Je pense que tant que M. Woodworth va être au Parlement canadien, ou qu'il soit n'importe où publiquement et qu'il va avoir un souffle quelconque de vie, il va probablement toujours nous arriver avec ce genre de dossier là», a-t-elle noté.

Le député bloquiste André Bellavance a rappelé pour sa part qu'à leur congrès au début du mois, les militants conservateurs ont voté massivement en faveur d'une résolution condamnant les avortements sexo-sélectifs. «J'ai l'impression que Stephen Harper, pour tenter d'apaiser ces gens-là, même s'il dit qu'il n'est pas question de revenir sur le débat, laisse ses députés (...) essayer de revenir par en arrière sur (un) droit acquis».

La motion de M. Woodworth ne sera probablement pas soumise au vote avant que soient déclenchées les prochaines élections générales en 2015.