Des membres du cabinet du premier ministre ont sollicité l'accord de Stephen Harper en vue d'un plan secret qui aurait autorisé le sénateur Mike Duffy à rembourser ses dépenses en puisant dans les fonds du Parti conservateur et l'aurait blanchi d'un rapport du Sénat, selon la Gendarmerie royale du Canada.

Mais alors que le parti hésitait à payer la note imposante de Mike Duffy, qui avoisinait les 90 000 $, l'ancien chef de cabinet de Stephen Harper, Nigel Wright, est intervenu pour payer lui-même ces dépenses contestées de l'ex-conservateur. Il semble que le premier ministre Harper n'ait pas été au courant de la décision de son chef de cabinet, décision qu'il a qualifiée de «tromperie».

Or, des courriels figurant dans les documents rendus publics mercredi par la GRC révèlent que Nigel Wright disait avoir obtenu l'approbation du premier ministre pour que le Parti conservateur rembourse les dépenses du sénateur Mike Duffy. Ce plan devait être strictement confidentiel.

«Je souhaite parler au PM avant que tout cela ne soit considéré comme final», a-t-il écrit en février.

Une heure plus tard, un autre courriel a suivi, dans lequel il a écrit: «Nous avons le feu vert du PM...»

Interrogé en fin de journée mercredi quant à savoir si l'on avait demandé, en février, au premier ministre d'approuver un tel plan, le porte-parole Jason MacDonald n'a offert qu'une courte réponse: «Non.»

Dans un document de 80 pages rendu public mercredi, la GRC fait la lumière sur les mois de tractations et de discussions ayant eu cours au cabinet de Stephen Harper et au Sénat afin de régler cet épineux dossier.

Dans plusieurs cas, les documents judiciaires témoignent des querelles et désaccords qui ont éclaté en coulisses alors que le cabinet du premier ministre tentait d'intervenir directement pour essayer de manipuler les activités des comités sénatoriaux.

Le caporal Greg Horton, de la GRC, soutient dans le rapport que d'influents conservateurs ont fait des pieds et des mains pour accéder aux demandes de Mike Duffy afin de s'assurer que le sénateur puisse affirmer publiquement qu'il avait remboursé les allocations de logement indûment réclamées.

Les échanges de courriels et les informations qui ont été dévoilées aux policiers démontrent aussi clairement qui était au courant du chèque de 90 000 $ fait à l'ordre du sénateur: Nigel Wright et au moins six conservateurs.

Lors de la période de questions aux Communes, le premier ministre Harper a dû répondre à des interrogations sur la nature du «feu vert» donné en février. Il a soutenu que cela faisait référence à un Mike Duffy remboursant lui-même ses dépenses.

«Lorsque nous avons constaté que ce n'était pas vrai, nous avons pris les mesures appropriées et il a reçu les sanctions adéquates du Sénat», a déclaré M. Harper, répétant que Mike Duffy était l'unique responsable dans toute cette affaire.

Dans les documents soumis à la justice, le caporal Horton affirme que M. Wright «a, sans le consentement écrit du chef du gouvernement, versé une récompense ou offert un avantage ou un bénéfice à Mike Duffy».

Les documents soutiennent que Nigel Wright a ainsi commis un acte criminel en remettant un chèque de 90 000 $ au sénateur Mike Duffy.

Le caporal Horton signale également que MM. Wright et Duffy «ont commis un abus de confiance dans l'exercice de leurs fonctions», en violation d'un article du Code criminel.

C'est la première fois que la GRC accuse Nigel Wright d'actes criminels.

Dans un communiqué, M. Wright s'est aussitôt défendu, mercredi, d'avoir commis un acte illégal. Il soutient toujours qu'il n'a voulu que rembourser les contribuables, dans les limites de la loi et de ses fonctions.

Mardi, Stephen Harper avait admis à la Chambre des communes que M. Wright faisait l'objet d'une enquête de la GRC, mais le premier ministre ne croyait pas que son propre bureau en faisait également l'objet.

La GRC n'a jamais confirmé que M. Wright faisait l'objet d'une enquête policière.