Le gouvernement conservateur ignore encore ce qu'il adviendra du régime de retraite de ses trois ex-sénateurs, suspendus mardi sans salaire pour «grossière négligence» dans la gestion de leurs ressources. La question serait actuellement soumise à des conseillers légaux et à l'administration du Sénat.

Patrick Brazeau, Mike Duffy et Pamela Wallin ne toucheront ni chèque de paie ni allocation pour les deux ans que durera la suspension. Mais le temps passé loin de la Chambre haute comptera-t-il dans le calcul du généreux régime de retraite des sénateurs? La question est importante, puisque les sénateurs y sont admissibles après six ans de service, et que les trois ex-sénateurs en comptent environ quatre.

Selon le président du Conseil du trésor, Tony Clement, des clarifications devraient être émises prochainement, même si sa préférence serait que le trio n'ait pas accès au régime de retraite. «On me dit que le caucus, notre caucus, obtient des opinions légales sur ce sujet», a-t-il assuré.

Le leader du gouvernement au Sénat, Claude Carignan, réitère que l'objectif de la motion de suspension était de priver les fautifs de leurs avantages - régime de retraite compris.

«S'il y a des éléments techniques ou problématiques, l'administration va nous le faire savoir et on verra à agir en conséquence. Mais l'objectif de la motion est très clair: enlever le salaire et tous les bénéfices, ce qui inclut pour moi la pension. C'est vraiment mon objectif», a-t-il insisté.

La somme en jeu est considérable. Selon la Fédération canadienne des contribuables, M. Duffy, âgé de 67 ans, serait immédiatement admissible à la retraite en 2015, avec une prestation annuelle de 58 264 $.

Mais ce n'est pas tout le monde au sein du caucus conservateur qui croit que ce serait une bonne idée de priver le trio de ces prestations. Un autre sénateur, Jean-Guy Dagenais, a confié avoir proposé à ses collègues conservateurs que le Sénat non seulement continue de contribuer au fonds de retraite des trois fautifs, mais offre également un coup de pouce pour la part que verseraient normalement les trois sénateurs. «Ces gens-là sont toujours membres du Sénat. Ils sont suspendus pour une période de deux ans actuellement», a-t-il rappelé.

La suspension du trio mardi est une sanction sans précédent dans l'histoire du Sénat, mais des zones grises persistent sur le plan des détails. Par exemple, on ignore également comment Patrick Brazeau pourra rembourser des allocations de logement auxquelles il n'avait pas droit si le Sénat n'a plus de chèque de paie à saisir.

Pour les libéraux, les questions sans réponse démontrent l'amateurisme dont les troupes de Stephen Harper ont fait preuve dans toute cette saga.

«Cette question est un bon exemple du fait que le gouvernement n'a pas réfléchi à toutes les conséquences entourant cette suspension, qu'ils réagissent à la mauvaise presse», a soutenu le chef libéral Justin Trudeau.

Les déboires des trois ex-sénateurs permettent au Nouveau Parti démocratique (NPD) de mousser son idée de longue date d'abolir la Chambre haute.

«Vous me demandez de commenter sur les fleurs de la tapisserie quand on veut remballer le tapis rouge», a rétorqué le chef néo-démocrate Thomas Mulcair aux journalistes qui le questionnaient sur le régime de retraite des trois sénateurs déchus.

«Pensez-vous vraiment que les détails sur si l'un et l'autre reçoivent des avantages médicaux ou leur prestation de retraite m'importent? Pourquoi s'arrêter à trois (sénateurs)? Débarrassons-nous de tous. Cela coûte des centaines de millions $ par année aux contribuables canadiens», a-t-il lancé.

La Cour suprême du Canada entendra la semaine prochaine un renvoi d'Ottawa sur les méthodes possibles pour réformer ou abolir l'institution.