Le congrès national du Parti conservateur s'est ouvert jeudi à Calgary, mais si bon nombre de militants affichent un air confiant, des membres en vue du parti admettent que le scandale des dépenses au Sénat est un nuage qui assombrit leur réunion.

D'autres militants présents s'attendent à avoir des explications à ce sujet lors de la rencontre conservatrice.

Pour le ministre québécois Maxime Bernier, la crise au Sénat prend toute la place. Trop de place.

«Les gens sont un peu déçus du Sénat actuellement. C'est ce que j'entends dans les couloirs», rapporte-t-il.

Il aurait aimé que le dossier soit déjà réglé, mais refuse d'y voir une crise gouvernementale.

«C'est une crise au Sénat», dit-il, affirmant que les sénateurs doivent régler cette crise. Mais il juge que l'affaire est mal gérée.

Il a qualifié le scandale de «nuage gris» sur le congrès.

Trois sénateurs - Mike Duffy, Pamela Wallin et Patrick Brazeau - risquent actuellement d'être suspendus sans salaire du Sénat, parce qu'ils auraient réclamé des dépenses injustifiées de déplacement et de résidence. Le Sénat n'a pas encore décidé de leur sort, mais ce scandale empoisonne le gouvernement depuis des mois.

«Ça prend trop de place considérant toutes les autres choses, le portrait économique», a pour sa part commenté l'ex-ministre conservateur Stockwell Day, aussi ancien chef de l'Alliance canadienne.

«Cette émission de télé-réalité, malheureusement, va être une distraction constante, et c'est préoccupant».

«Ça revient à voir si le premier ministre dit la vérité ou pas», a dit M. Day qui, de son côté, croit la version de Stephen Harper à l'effet qu'il n'était pas au courant du stratagème pour aider M. Duffy à rembourser ses dépenses.

Mais ce genre de questionnement n'aide pas du tout quand il obscurcit les bons coups du gouvernement au niveau de l'économie, précise-t-il.

Car les conservateurs voulaient profiter de la réunion d'abord pour se féliciter de leurs récentes réalisations, comme l'entente de libre-échange avec l'Union européenne et le succès de leurs mesures fiscales qui vient de faire dire au directeur parlementaire du budget que le gouvernement Harper devrait être en mesure de rétablir l'équilibre budgétaire en 2015.

Et ensuite, il est évidemment question de s'atteler à la planification électorale pour garder le pouvoir, puisque la réunion est la dernière avant le prochain scrutin, en 2015.

«Ce congrès est extrêmement important en ce qui concerne le calendrier électoral», a justement souligné en entrevue le président du parti John Walsh, qui promet par ailleurs que de nouvelles politiques «toutes fraîches» y seront discutées.

Mais en coulisses du Parlement, le malaise est bien présent. À Ottawa, certains députés et sénateurs craignent la colère des militants du parti au sujet des dépenses injustifiées de certains de leurs sénateurs, et des paiements effectués par le bureau du premier ministre au sénateur Mike Duffy, vraisemblablement pour étouffer l'affaire. Surtout que les fonds du parti ont été utilisés pour payer les frais d'avocats de M. Duffy.

Le président du parti conservateur restait positif et estime que le scandale qui fait rage à Ottawa n'affectera pas le succès du congrès et la participation des membres.

«Je crois que j'ai une bonne idée de l'humeur des membres et manifestement, ils prennent note de ce qui se passe au sujet du parti et du premier ministre. Mais je sens qu'ils ont hâte de venir au congrès et de discuter des sujets qui sont importants pour eux et d'entendre le premier ministre», a déclaré John Walsh.

C'est l'opinion de plusieurs militants qui refusent de laisser les déboires des sénateurs voler la vedette au congrès.

«Il faut mettre ça en contexte et regarder les objectifs à long terme», a déclaré Marc-Olivier Fortin, un militant québécois qui siège aussi sur l'exécutif national.

Il estime que le premier ministre a été clair sur la situation et que «maintenant, on passe à autre chose».

Pointant du doigt le chapeau de cow-boy blanc sur sa tête, vendu aux conservateurs sur place, il a qualifié l'ambiance de «festive».

Un sentiment partagé par d'autres qui venaient s'inscrire au congrès en cette première journée.

Plusieurs étaient habillés à la mode western et se saluaient gaiement aux abords des salles de réunion, qui sont hors limite pour les médias, sauf pour deux brèves périodes jeudi, et encore sous escorte de membres du Parti.

D'autres militants, qui réitèrent leur foi en leur premier ministre, disaient toutefois vouloir des explications lors du congrès.

Parmi eux, Yvon Ouellet, un partisan conservateur du Bas-du-Fleuve.

«Je veux avoir des explications. Peut-être pas du premier ministre, mais je m'attends à des explications», a-t-il dit jeudi.

Près de 3000 militants sont attendus à Calgary pour cette rencontre conservatrice qui a lieu tous les deux ans. La formation politique affirmait toutefois ne pas savoir combien de partisans du Québec seraient présents.

Le congrès va se terminer samedi, après les discussions et les votes sur les politiques du Parti. Le premier ministre Stephen Harper doit livrer un discours fort attendu à ses troupes vendredi soir.